Les zaventures

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Quand on a pas de tête, c’est bien d’avoir des jambes. J’en ai fait l’expérience la semaine dernière alors que j’avais prévu une journée de tournage pour un prochain « welcome to ». Je savais où aller, mon programme était fixé et mon vélo (ridicule soit dit en passant) prêt pour une heure de route. Une heure, c’est le temps qu’il me faut pour traverser la ville d’est en ouest.

Arrivé à destination, je sors mon appareil photo et « no SD card ». Mais quel con ! Impossible de faire les deux heures aller-retour juste pour avoir ma carte mémoire. J’ai bien une carte de 2 go mais ça suffira à peine pour quelques photos. Je fais une croix sur le tournage mais quitte à être sur place, autant que je fasse du repérage.

C’était d’ailleurs pas inutile car certains lieux que je voulais filmer ne valent pas la peine de l’être. Après deux heures et demi de marche entre les points d’intéret, je me retrouve au pied de la montagne, proche d’une route déserte qui disparait dans la forêt. Je peux soit, rentrer chez moi après mon heure de vélo obligatoire, soit faire les zaventures dans la forêt…

J’ai fait les aventures bien sur. En commençant à marcher sur cette route vide, je me fais doubler par deux tout petits camions. Elle est peut-être pas si vide que ça finalement. En tout cas, elle grimpe sacrément. Il fait froid et de temps à autre, quelques flocons de neige tentent de survivre sur le sol. Peine perdu, il n’en tombe pas assez pour ça. Au milieu de ma grimpette, je tombe sur ce chemin.

Chemin barré à cause de « je sais pas quoi ». C’est dommage, ça avait l’air fun par la. Mais bon, je veux pas d’ennuis, si c’est fermé, c’est qu’il y a une raison. Je passe mon chemin et depuis 15 minutes que je grimpe, je suis vraiment seul. Plus de camion, encore moins de piétons, c’est la fête.  Au sommet, un panneau indique la température (4°c), histoire que les automobilistes sachent si ils vont conduire comme dans Initial D ou pas. Car la route qui descend de l’autre coté de la montagne, c’est une route d’Initial D. Virage en épingle, longue courbe, grosse pente et tout ça dans une vallée sans habitations ni âme qui vivent. Suivre une route, même déserte, ne m’enchante pas plus que ça.

Mais comme un signe du destin, à coté du raille de sécurité, un panneau en bois indique un chemin, à peine assez large pour une personne. Imaginez un peu l’endroit : une route de basse montagne qui necessite un raille de sécurité à cause de la verticalité du vide qu’il y a derrière, mais il y a quand même un sentier à flanc de montagne. Tu tombes, t’as mal, parce que tu tombes de haut et pas forcément toujours sur de la terre.

Mais j’y vais quand même. C’est glissant, humide, j’ai des basket à semelle lisse, pas de flotte ni de nourriture avec moi, j’ai croisé personne depuis 20 minutes, pas même entendu de voiture, personne ne sait que je suis la… mais j’y vais. Keskiya ?

Ce sentier est peut-être entretenu l’été mais la, il y a pas mal d’arbres couchés, de branches cassées et il faut batailler pour avancer. C’est vraiment exténuant, tant par la marche loin d’être facile que par la crainte de l’accident bête. Sans être un truc ultra périlleux, y’a moyen de se faire super mal. Pour vous donner un ordre d’idée, ça ressemblait à ça :

Vous ne voyez pas de chemin ? C’est normal, c’était tout sauvage et défoncé. A telle point que j’avance lentement et que j’ai pas l’impression d’allé bien loin. Pourtant, j’ai déjà de beau panoramas devant moi. La vallée est belle et un chemin ferroviaire semble (semblait ?) passé en bas. J’ai entendu aucun train en tout cas.

L’heure tourne et, en plus d’avancer lentement, je ne sais au final pas ou je vais. Je suis pas préparé et c’est stupide de faire l’aventure comme ça. Si je trouve quelque chose de bien, j’aurai à peine 5 photos pour l’immortaliser en plus. Je retourne sur mes pas jusqu’à la route et rebrousse chemin, résigné à rentrer. Ca fait bien plus d’une heure que j’ai pas entendu la civilisation ou un quelconque être humain alors quand je repasse devant le sentier fermé, j’hésite à être un connard quand même. J’essaie de deviner ou mène ce chemin mais les arbres m’en empêchent. Bon aller, après tout, je suis un connard alors on y va. Y’a personne hein ! J’avance de 15 mètres, juste de quoi être caché par les arbres quand une voiture passe devant le chemin.

Putain !!! Le timing était parfait pour ne pas être vu mais j’ai eu chaud !! Je trouve un joli escalier tout en pierre, qui semble ne pas être utilisé depuis longtemps vu la quantité de mousse qui le recouvre. Il n’est pas très long et j’arrive vite à la raison de cette interdiction. Un gros éboulement à coupé le chemin. Une partie de la montagne s’est juste cassé la gueule. Une corde est de nouveau en travers avec le même message. Qu’est ce que je fais ?

Puisque je suis la, autant continuer n’est-ce pas ? Je suis pas le premier à faire ça car dans l’éboulis est aménagé un chemin de fortune. Ca semble s’être effondré depuis longtemps. Un autre escalier se dessine devant moi. La je suis vraiment crevé quand même. 1h de vélo, 3h de visite et 1h30 de crapahutage dans les sentiers ont eu raison de moi. Mais je grimpe quand même. Je veux savoir ce qu’il y a la-haut, même si je dois être déçu.

C’est un petit temple qui ferme ce chemin. Le ciel au dessus de lui n’arrive décidément pas à se décider entre neige et pluie et je regrette qu’il n’ai pas choisi la neige. Le spectacle aurait pu être grandiose. Mais même maintenant, être seul dans la forêt, dans un lieu qui pourrait être oublié, ça a quelque chose de beau. Le sol de ce temple, entouré de barrières, est entretenu comme un jardin sec, avec des graviers bien ratissés. Si il y a eu un dessin un jour, il n’y est plus et on devine à peine les sillons des râteaux. Sur chaque coté de ce temple grimpent deux chemins encore plus profondément dans la forêt.

Ouais nan mais la faut sauter la barrière et j’ai vu assez de films pour savoir que violer un lieu saint pour aller dans la forêt, si t’as pas de noir avec toi, tu crèves en premier, c’est sûr !!! En plus je suis fatigué alors autant rentrer. En descendant, je me tords deux fois la cheville et 1 min après être sorti du chemin interdit, un camion passe. Le timing, c’est comme tout : on l’a ou on l’a pas.

De retour sur mon vélo, je prend les chemins de traverse pour rentrer. Pendant plus de 30 minutes, je suis suivi par une écolière à vélo. Je crois qu’elle voulait mon corps, décelant en moi l’aventurier solitaire et charismatique que sont petit cœur de jeune fille (elle avait bien 16 ans hein) à toujours désiré. Mais devant la fausse inaccessibilité que laissait paraitre mon assurance, elle m’a quitté avant que ruissèle sur son visage les larmes de son amère déception. La déception de ne pas être à la hauteur de ses propres rêves, à la hauteur de ses espoirs.

Ou alors, elle a juste changé de chemin pour rentrer chez elle. Mais avouez que c’est moins drôle dit comme ça.

4 Réponses

  1. pa mal ta petite zaventure , mais comme tu dis quel con d’avoir oublie ta carte haha . Par contre malgre ton chemin pourri , tu devais avoir une bonne vue en contrebas .

  2. ça y est, tu es prêt pour Man vs Wild spécial japon :-)

    • je peux chasser les ours au couteau, manger des vers et faire un feu sans bois ! Nature sauvage, me voila !

      • Et redonner un peut d’espoir à une jeune écolière perdu dans ce triste monde…

        Super zaventure sois dis en passant 😉

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