Le système judiciaire

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Merde, un sujet sérieux qui n’intéresse personne… C’est normal en même temps. Moi-même, il ne m’intéresse pas. Je pars du principe que la justice, si tu ne la fais pas chier, tu n’as normalement pas affaire à elle. Reste dans les sentiers bien délimités et tout ira bien pour toi. Et cela, peu importe le pays dans lequel tu vis, dans lequel tu voyages. J’admets d’ailleurs que le système judiciaire français est une énigme pour moi, alors son équivalent japonais…

Je vous préviens, pour illustrer cet article, je vais utiliser des photos de chats. Ca n’a rien a voir en effet mais en même temps, des clichés pour illustrer la justice, j’en ai pas sous la main.

Mais en fouillant dans les bas fonds d’internet à la recherche de briques pour un article sur le système scolaire, je suis tombé sur un article décrivant la justice au japon, de l’arrestation au jugement. Et c’était flippant. Je pensais que dans les pays démocratiques modernes, toutes les justices se ressemblaient, à peu de choses près.

Naïf que j’étais. Mais cet article était assez virulent pour me pousser à ne pas le croire sur parole et à chercher d’autres sources sur ce système judiciaire et sur les procédures d’interpellations. Et j’ai trouvé des exemples, des témoignages d’avocats, des erreurs judiciaires et d’autres choses qui allaient dans le sens de ce que j’avais lu.

Même après avoir fait des recherches, je comprends pas tout. Alors excusez mon manque de précision et prenez cet article comme un éclaircissement plus que comme une vérité absolue. Soyez prévenus.

Il faut savoir que le système judiciaire japonais est grandement inspiré de son équivalent français. Lors de l’ouverture du Japon sur le monde à la fin du 19ème siècle, le pays a du se mettre à niveau dans plein de domaines et c’est sur la France que les japonais se sont inspirés pour la justice. C’est bien dans l’absolu. Sauf que c’est le Japon donc il faut adapter les choses aux japonais.

Au japon, la société est placée au dessus de tout. La nation et sa grandeur priment sur l’individualité de chacun. Ça se ressent dans la hiérarchie d’entreprise où chacun s’efface devant son supérieur qui aura forcément raison. Dans la justice, c’est un peu pareil. L’individu n’est pas si important que ça et ça se ressent dans la manière dont il est traité.

Commençons pas le début. Vous êtes arrêté par la police. Vous êtes amené au poste et il y a présomption d’innocence logiquement. La présomption d’innocence au Japon, vous pouvez vous la foutre où je pense. Si on vous arrête, c’est pas pour rien et la police ne se trompe jamais. C’est comme ça, c’est la police. Elle parait gentille et tout mais si vraiment elle vous arrête, ça risque d’être long et douloureux pour vous.

Vous pouvez être mis en garde à vue pendant 3 jours, sans voir d’avocat, sans contact avec personne. Au bout de ces trois jours d’interrogatoire, si la police en fait la demande auprès du juge, elle peut prolonger cette garde à vue de 20 jours (deux fois 10 jours) supplémentaires. Vous serez donc interrogé à toute heure du jour ou de la nuit, toujours au commissariat, inlassablement. Vous aurez quand même le droit à une visite de deux fois quinze minutes avec votre avocat, pas de coup de téléphone, courrier censuré et une douche tous les 5 jours. Votre avocat ne peut pas assister aux interrogatoires. On vous fera avouer, n’en doutez pas. L’inculpation et la possible mise en prison est presque une délivrance car quand vous n’êtes pas interrogé, vous êtes dans une cellule de 3m², sans fenêtre et vous devez vous tenir assis. Pas debout ni allongé mais bien assis. Et pas appuyé contre le mur. N’oubliez pas que vous êtes présumé innocent hein…

Là, vous vous dites que c’est pas possible. Ça ne peut pas se passer comme ça. On est en 2013 quoi. Je dis pas que c’est comme ça tout le temps, mais que la possibilité existe légalement et qu’elle est utilisée. Le juge donne presque tout le temps la prolongation de 20 jours car c’est lui qui vous poursuit au nom de l’état. Si la police vous soupçonne, il y a bien une raison. Il n’y a pas de fumée sans feu.

Si vous avouez, c’est fini pour vous. Il faut le savoir. Avouez, même après de telles conditions de détention, c’est se condamner. Remarque, vous l’étiez déjà quasiment quand on vous a arrêté donc un peu plus un peu moins… Ouais mais y’a pas eu d’enquête là, c’est chaud nan ? C’est pour ça que les détenus avouent la plupart du temps, pour éviter une enquête. Parce qu’elle va être longue cette enquête et que vous serez incarcéré dans des conditions à peine meilleures. En France, si vous avez un travail, une famille et que vous êtes pas un meurtrier, vous serez sans doute remis en liberté conditionnel. Pas au japon. Vous vous dites qu’au moins, vous aurez le temps de prendre un avocat et de vous défendre ou, qu’au pire, un avocat commis d’office vous aidera.

Là encore, vous serez en souffrance. Les avocats coutent chers. Pendant un moment, l’état avait mis en place un barème des tarifs mais les avocats trouvaient ça anti-concurrentiel. Il a donc été supprimé. Une fois que vous avez vendu un œil pour payer un avocat, il faudra payer tout ce qu’il fait : téléphone, déplacements, courrier, plaidoiries… Enquête longue, avocat cher… vous voyez le délire ?

Vous n’avez pas d’argent et voulez un avocat commis d’office. Vous avez raison, c’est mieux que rien. Enfin, nan en fait vous avez tort. Ok, il vous défendra, mais ça sera pas gratuit. L’état avance ses honoraires mais derrière, vous vendrez quand même un œil pour le rembourser, peu importe le résultat du jugement.

Finalement, on se dit qu’avouer, c’est pas une mauvaise chose. Dans le cas d’un délit par exemple… ouais nan mauvais exemple en fait. Y’a pas de délit au japon, juste des crimes mineurs. Mais des crimes quand même donc casier judiciaire d’office. Même un accident de la route, si vous avez commis une infraction (excès de vitesse, alcoolémie…) c’est direct un crime. Accident de la route égale enquête alors mieux vaut ne pas faire le con sur la route. Donc, pour un crime mineur genre vol à l’étalage, c’est plus rapide et moins douloureux d’avouer, de payer une amende et de baisser la tête que de crier haut et fort qu’on est innocent, rapport aux 12 paragraphes d’avant. Même si on a rien fait.

Parce qu’aussi au Japon, y’a toujours moyen de s’arranger avec la victime. On s’excuse, on sort le chéquier et tout va bien à l’amiable. Ça arrange la police, les juges et tout le monde est content. Oui madame, tu t’es faites violer mais après tout, t’as touché 150 000 yens donc ça va, l’honneur est sauf. Non pas le tiens c’est sur. J’exagère bien entendu. Les femmes violées ne portent presque pas plainte au Japon. De toute façon, elles l’ont cherché. Ah ouais et le viol sur les hommes n’existe légalement pas non plus. Messieurs, soyez prévenu et laissez-vous faire, au moins, ça ne sera plus un viol.

Je suis sur que vous pensez que je suis tombé sur la tête. La justice ne peut pas être comme ça. C’est vrai, elle ne doit pas être entièrement pourrie. Mais si elle est en crise en ce moment, c’est bien parce qu’il y a un problème. La justice est en crise et une grande partie de ses acteurs freinent des quatre fers pour que rien ne change. Changer, ça voudrait dire avouer que le système actuel n’est pas fiable et qu’il y a des erreurs.

Et il y en a des erreurs. La plus récente est l’histoire de Govinda Prasad Mainali, un népalais arrêté en 1997 pour le meurtre d’une employé de bureau. Pourquoi lui ? Parce que le corps de la femme a été retrouvé dans un appartement vide, à un mètre de la pièce où il vivait. Une preuve irréfutable nan ?  Non bien entendu. Surtout quand on sait que la jeune femme a été assassinée le 8 mars et que son corps a été retrouvé le 19 mars. Si Mainali avait été coupable, il aurait eu le temps de s’enfuir. Qu’a-t-il fait ? Il est allé se rendre à la police car il avait dépassé la date de son visa. De lui-même. Un journaliste a fait son enquête pour prouver que Mainali avait été accusé à tort. Un camarade de chambre de Mainali a été frappé par la police pour le forcer à faire de fausses accusations (un rapport de l’hôpital confirme ces blessures). Pour le remercier, la police lui a trouvé un emploi auprès d’un prêteur sur gage, tenu par un ancien policier. A noter que ce camarade de chambre avait lui aussi dépassé sa date de séjour sur le territoire. La police a donc fait engagé un sans-papier. Logique.

Sur quelles autres bases a-t-il été accusé ? La conviction des policiers. Le fonctionnaire de police en charge de l’affaire a dit qu’il l’avait vu sourire durant l’enquête. Encore une preuve de culpabilité… BAH NON !!!!! Le sperme retrouvé sur le cadavre ainsi que les poils pubiens ne correspondaient pas à Mainali ! Mais quand la défense a demandé à ce que ces preuves soit ajoutées au dossier pour innocenter Mainali, le procureur n’a pas donné son accord. Pourquoi ? Parce que le procureur, la personne qui attaque en justice l’accusé au nom de l’état, a le droit de refuser des preuves. C’est comme ça. Il n’a donné son autorisation qu’en 2011 lors d’un nouveau procès. Les tests ADN ont été refaits prouvant l’innocence de Mainali, qui fût renvoyé chez lui sous deux jours.

Jusqu’au bout, la police a nié avoir bâclé l’enquête. Quand il a été décidé de refaire un procès, le bureau du procureur de Tokyo a déclaré que c’était « absolument inacceptable » ! Jamais personne ne s’est remis en cause alors que tout prouvait qu’il y avait des erreurs inadmissibles. Comme dans l’affaire Sugaya Toshikazu, condamné en 1990 pour le meurtre d’une fillette de quatre ans et acquitté en 2010 à la suite de nouveaux tests ADN. Ou celui de Sugiyama Takao et de Sakurai Shôji accusés de vol avec assassinat et mis en liberté conditionnelle en 1996 après être restés vingt-neuf ans en prison. Des cas comme ça ne sont pas rares alors qu’il est difficile de changer une décision judiciaire. Combien sont emprisonnés à tort encore.

Le taux de condamnation en France est de 70 %. Au Japon, il est de 99 %. Demandez-vous pourquoi.

Mais continuons. Vous êtes coupable d’un crime atroce et condamné à perpétuité. Dans ce cas, le procureur peut faire appel pour demander la peine de mort. La peine de mort est toujours en vigueur au Japon et c’est la pendaison qui vous ôtera la vie. Depuis le mois de janvier, il y a eu 5 exécutions dont deux en avril. On pense ce qu’on veut de la peine de mort mais force est de constater qu’au Japon, elle est appréciée par la population, qui a une confiance aveugle dans son administration judiciaire. Le condamné lui le vit moins bien généralement. On lui dit la veille au soir qu’il sera exécuté le lendemain. La presse est mise au courant une fois l’exécution faite. Niveau transparence, on a vu mieux.

Vous êtes maintenant en prison. Si vous pensez qu’il y a trop de règles dans la vie japonaise « classique », ce n’est rien comparé aux règles à suivre dans la prison. Un livre de 40 pages les résume, avec les gestes à faire pendant les exercices, les saluts, la position dans la cellule (position du lotus au centre de la cellule, pas appuyé contre le mur et occupé à s’instruire). Toutes les cellules sont identiques et vous ne pouvez pas les personnaliser. C’est presque une discipline militaire. Pour un non japonais, c’est inimaginable. Ce qui l’est encore plus, c’est la cellule d’isolement. Certains y passent des années. Le record étant de presque 30 ans. Pourquoi ? Parce que les prisonniers n’en sont pas sortis. Tout simplement. il n’y a pas assez de place dans les cellules classiques ou alors parce que le directeur le décide. La plupart finissent fous car il n’ont pas le droit de parler, prennent deux bains par semaine et ont 15 minutes de pause dehors dans un couloir grillagé.

Si les prisons françaises vous semblent laxistes et que vous pensez que finalement, au Japon, c’est pas plus mal un peu de sévérité, n’oubliez pas les conditions qui ont amené certaines personnes dans ces prisons. Les coupables le méritent sans doute, les innocents doivent vivre l’enfer. L’avantage, c’est que la prison est très sécuritaire.

Voilà, je crois avoir fait le tour de la question de manière superficielle. N’oubliez pas que tout ne se passe pas comme ça mais que le système le permet. C’est sans doute ça le plus effrayant. Je passe volontairement sur le possible racisme envers les étrangers qui sont de toute façon des coupables si on les arrête. Après tout, je n’en ai pas la preuve.

Ce système judiciaire est pointé du doigt par tout le monde, toutes les organisations de défense des prisonniers, des droits de l’homme, les nations-unies, etc, etc. Il y a deux ans, un système de jury populaire a été mis en place pour plus de transparence dans les procès. C’est un premier pas vers une vraie réforme. Mais c’est pas gagné.

Voici les liens de mes sources si ça vous intéresse :

http://www.opinion-internationale.com/2012/11/12/entretien-avec-maiko-tagusari-leader-des-abolitionnistes-japonais-au-japon-l’ignorance-est-le-meilleur-soutien-de-la-peine-de-mort_11596.html

http://www.nihonwa.freeservers.com/justice.html

http://www.nippon.com/fr/currents/d00045/

http://www.lemonde.fr/international/article/2002/06/12/justice-et-criminalite-la-garde-a-vue-une-procedure-tres-contestee_280083_3210.html

http://www.jca.apc.org/stop-shikei/epamph/dpinjapan_f.html

http://www.jca.apc.org/stop-shikei/epamph/dpinjapan_f.html

 

8 Réponses

  1. C’est un peu comme au USA en fait, coupable jusqu’à preuve du contraire…
    Bon, je n’irais pas jusqu’à remettre en question leur système judiciaire (parce que c’est un domaine trop flou pour moi) mais je trouve que comparé à la France c’est un peu le jour et la nuit. Trop sévère contre trop laxiste !

  2. Ça fait froid dans le dos et même temps ça ne m’étonnes presque pas.
    Par contre je ne vois pas ou ils se sont même vaguement inspirés du système français. Surtout que la notion de délit et crime est très importante dans notre système …

    • En fait, c’est au niveau des différentes « cour » de justice qu’ils sont similaires à nous mais j’ai du mal à tout comprendre donc je suis pas rentré dans cette partie du sujet.

  3. « Il faut savoir que le système judiciaire japonais est grandement inspiré de son équivalent français. Lors de l’ouverture du Japon sur le monde à la fin du 19ème siècle, le pays a du se mettre à niveau dans plein de domaines et c’est sur la France que les japonais se sont inspirés pour la justice ».

    Sauf qu’ils ont oublié d’évoluer. 😀

    Même si je ne suis pas fan de pointer du doigt l’incohérence et les dérives d’un système avec 2 ou 3 exemples, ton post est intéressant. Pour ce qui est de la prison, en général il faut éviter dans les pays asiatiques.
    Pour la police/justice, ce qui peut choquer du point de vue occidental, c’est le contrôle sur plusieurs industries illégales (sexe, jeux d’argent,…), pas que ça n’existe pas en France, au contraire, mais au Japon c’est presque institutionnalisé.

    • Mon post n’avait pas pour but de pointer du doigt (c’est pour ça que je précise que ce n’est pas toujours comme ça et qu’il faut prendre du recul avec ce que je dis) mais de montrer ce qui est légalement possible de faire pour la justice. Heureusement que tout n’est pas comme je le dis que, je l’espère, les erreurs ne sont pas majoritaires.

  4. Si je dis que je suis pur et innocent comme Aipon, ils vont sûrement me croire.

  5. Hé bé, je connaissais pas le système japonais, j’ai encore moins envie de le connaître.

    Ce système rassemble tous les désagréments d’une justice ultra-libérale : Un Etat qui a cédé aux avocats qui ne veulent pas bosser moins cher pour des pauvres.
    Un système accusatoire qui refait la part belle aux avocats car plus t’es riche et proche du pouvoir, mieux on te défendra.
    Quand à la procédure d’aveu, elle repose sur la volonté de réduire au maximum les frais de justice et d’instruction de la part de l’Etat, et pour les puissants, de pouvoir avouer rapidement des conneries pour éviter qu’on s’intéresse trop à leurs vraies magouilles.

    Bref, un Etat qui considère ses citoyens comme des frais et pas comme des gens à servir, ça fait froid dans le dos.

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