Rencontre franco-japonaise

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BOOM ! Titre tapageur et intrigant, plein de promesses inavouées et d’espoirs cachés ! Vous voilà tout émoustillés à l’idée de vous délecter d’un récit plein de passion et de fougue, impatient de vivre un moment plein de sentimentalisme ou au moins de vous fendre la poire devant les états d’âme pourris et l’incompétence flagrante de votre narrateur à pouvoir aligner plus de 3 phrases à un/une inconnue. Bande de sadiques.

Je vais en décevoir certains et en satisfaire beaucoup d’autres (oui mesdemoiselles, je peux satisfaire beaucoup de monde). Les rencontres, ce n’est pas ce qui a défini mon année, à mon grand damne mais après tout, si j’étais moins con, ça ne se serait pas passé comme ça. Sans grande surprise, le fait de vouloir être plus ouvert et moins timide est un échec flagrant, pas besoin d’attendre la fin de l’année pour m’en rendre compte.

Et pourtant voilà que débarque ce titre qui se suffit presque à lui-même mais qui appelle aussi trop de questions pour être ignorées. Rencontre franco-japonaise. Rencontre, c’est ce que j’ai pas fait cette année. Franco, c’est pas mon prénom mais c’est quand même un peu moi et enfin, japonaise, féminin de japonais accordé car on parle de la rencontre mais qui est aussi le point centrale de cette soirée. Les japonaises autant que la rencontre en général oui. Et c’est bien d’une soirée dont il s’agit. Si vous ne vouliez pas lire jusqu’au bout cet article, vous êtes piégés maintenant. Et je sens que ça va être long en plus.

Quelqu’un que j’apprécie beaucoup et avec qui j’ai beaucoup parlé et échangé m’a très justement fait comprendre que j’étais un connard à ne pas aller vers les gens. Ok, le mot connard n’a jamais été dit mais je l’aurais accepté sans soucis parce qu’après tout, elle a raison. Tous les blocages et les barrières que les timides asociaux ont, ne sont que dans leur tête.
« Pleutre !, lui répondis-je, je ne sais point faire ce que tu décris, allez vers les gens ne fait pas parti de mes compétences… fais pas chier ». Ok, le fais pas chier n’a jamais été dit, je suis courageux mais pas téméraire/fou. La gourgandine avait tout prévu et elle me jeta au visage une réplique saillante : « C’est pas que tu sais pas faire, c’est que tu vas pas aux bons endroits. »

Ah ? Parce que y’a des endroits pour ça ? Si on ne me dit rien aussi, comment voulez-vous que je m’en sorte. Cette information seule ne m’aurait pas aidé, vous vous en doutez. C’est donc avec un lien que je fûs aiguillé. Aiguillé vers l’évidence même. Je conchie parfois mon manque de recul face aux choses les plus simples, aux idées les plus logiques. Le lien, je vous le donne car je présume et je le regrette, qu’il y a d’autres personnes basses du front qui n’auront pas la brillante idée de chercher sur google : « tokyo + français + japonais qui veulent pratiquer le français » (ou quelque chose du même style) et qui n’arriveront donc pas sur le site : Meetup. Alors soyons clair : ce n’est pas un site de rencontre matrimoniale ! C’est un site de rencontre entre personnes ayant un centre d’intérêt commun et souhaitant partager un moment agréable autour de ce sujet, en faisant connaissance avec de nouvelles personnes. Ca peut être la cuisine, le cinéma, les langues étrangères, la musique, etc. On connait tous la passion que peuvent avoir les japonais pour la culture française donc il était évident qu’un « groupe » réunissant des japonais intéressés par la France et des français désireux de parler de leur culture puisse exister. Certaines évidences me passent au dessus de la tête, s’en est la preuve.

Face à ce lien, ce travail pré-maché sur lequel je n’avais qu’à cliquer, je ne pouvais décemment pas me défiler. J’en aurais entendu parler toute ma vie et puis en plus, qu’est-ce que je risquais à y aller ? Boisson à volonté pour 2 000 yens, au pire je finis seul dans un coin, un peu éméché. Opportunité intéressante s’il en est, je la partage avec 3 amis présents en ce moment au japon.

3 français un dimanche soir (19h) près de Kabukicho, ça peut paraître louche, Kabukicho étant quand même le quartier des bars à hôtesse et le quartiers des prostitués. 3 français et non pas 4 car le dernier doit nous rejoindre. Mais il est trop long alors avec mon coloc/banquier Anon, on part devant prendre la température. Une inscription était requise sur facebook ou sur Meetup, sous entendant une vérification d’identité à l’entrée. Mais nan. Que dalle. Paye tes 2 000 yens et rentre. Le reste, on s’en fou. Mouais, bizarre. Autant que l’ambiance de cette salle rétro-chic un peu sombre au deuxième sous-sol. Une salle en longueur, pas haute de plafond, avec trop de tables rondes et une file d’attente pour aller prendre un verre au « bar ». Ceux qui n’attendent pas le breuvage désinhibiteur sont assis le long des murs ou en pleine discussion avec la personne qui les accompagne ou ceux qu’ils connaissent déjà. Cette soirée à lieu tous les mois il me semble.

A première vue, ça fait quand même très soirée dating amoureux. Je sais pas ce qui m’a donné cette impression, peut-être la gène ambiante ou le décors trop chic/strict se rapprochant des réunions d’anciens étudiants qu’on voit dans les films. L’endroit ne se prête pas à prendre ses aises. Et je pense que c’est une impression partagée, au moins par nous 4 maintenant que les retardataires sont arrivés et font la queue pour boire. Sans qu’on s’y attende, on se fait aborder, anon et moi (ouais je te cite encore et alors !) par une française qui accompagne sa jeune amie japonaise. Elle parle aussi français et après 3 formules de politesse, elles nous demandent notre âge. Question banale, on s’est pas méfié. On aurait dû. Parce qu’on se fait traiter de vieux du haut de nos 28-29 ans. J’ai envie de dire « Va chier morue ! » mais je suis poli. Et je m’en branle que vous cherchiez des jeunes. Pour quoi faire ? Vous êtes en manque ? Ou alors vous avez simplement peur qu’on ait des sujets de discussion de vieux ? Je sais pas mais elles sont parties aussi vite qu’elles étaient arrivées, avec leurs préjugés et leurs idées arriérées. Ca commençait mal vous trouvez pas ?

Mais sans qu’on s’en rende compte et assez rapidement après avoir été rejoint par les deux derniers acolytes francophones, deux femmes nous abordent en nous demandant si nous parlons anglais. Ce n’est apparemment pas le cas de tout le monde donc les voilà bien en joie d’avoir enfin de la compagnie. J’aurais bien été incapable de leur donner un âge mais j’aurais parié sur un peu plus de 30 ans. On manque à tous les poncifs et impératifs liés aux rencontres en ne se présentant même pas. On a donc pas mal parlé sans même avoir échangé nos prénoms. On a des progrès à faire. On a parlé de tout mais ça tournait quand même globalement autour de notre intérêt pour le japon et ce qu’on aime dans le pays. Pas parce qu’on est égocentrique et qu’on aime parler que de nous mais parce qu’elles posaient beaucoup de questions, qu’on a des choses à dire en réponse et qu’à l’inverse, elles étaient pas très bavardes quand on les interrogeait sur leur attrait pour la France (pour leur défense, elles n’étaient pas bilingue donc ce n’est pas forcément facile).

Peu importe la personne, c’est souvent à cause d’un voyage passé ou à venir, à cause de la sonorité de la langue ou de ce qu’ils imagine être la France. De la à apprendre réellement la langue, il y a un cap de difficulté que peu d’entre eux (d’entre elles, j’ai remarqué que le français intéresse surtout les femmes) se décident à franchir. Au bout d’un moment, je sentais qu’on avait tous un peu de mal à alimenter la conversation et que les blancs gênant devenaient un peu trop réguliers. Ca arrive, c’est comme ça, des fois on accroche pas plus que ça et passé les banalités, il vaut mieux se séparer. En plus, même si on comprends tous à peu près bien l’anglais, le parler n’est pas totalement naturel et j’admets qu’une fois que je veux développer des idées un peu « poussées », je me perds dans ma façon de construire les phrases.

Alors que je pensais devoir trouver en vitesse un autre sujet de parlote, une femme entre dans notre cercle et s’incruste tranquillement, comme il est logique de le faire quand on veut faire connaissance. Pas de soucis à ça, c’est quand même un passage obligé si on ne veut pas rester dans son coin. Elle, elle gère le contact et se présente direct. Du coup, on se présente tous et la question de l’âge arrive. En fait les deux premières femmes a qui j’aurais donné la trentaine, en ont 25. Oups. Nan mais c’était la pénombre, la coiffure, la tenue, l’attitude… elle faisait plus vieille et c’est tout. J’ai pas retenu les noms de tout le monde. Il y en avait trop, avec trop de bruit de conversation et de musique pour bien entendre.

Sans entrer trop dans les détails et pour pas faire trainer ce récit, je vais abréger. Anon a disparu pour chercher à boire et Romain et moi avons été emmené vers une table déjà bien entourée (romain étant un des deux dernier amis venu avec nous). Ici, un mec déjà bien imbibé nous parle l’un après l’autre et… j’ai du mal avec les gens alcoolisé, japonais de surcroît, qui rigole trop fort (presque forcé) à des choses qui ne sont pas sensé l’être. Je n’aime pas les choses forcées de manière général. Ne rie pas pour rien, juste pour faire bien. Tais toi et reste toi-même !

Il y a trop de monde autour de cette table et j’entend rien de ce qu’il se dit, autant se mettre en retrait. J’aime bien être en retrait en plus, c’est ma place favorite. Les profs à l’école le disaient déjà : « on l’entend pas, il est en retrait ». Quand on a rien a dire, on ferme sa gueule donc à quoi bon se faire remarquer. Cette place légèrement en arrière me permet de balayer la salle du regard. Il y a quand même pas mal de monde, de tous âges. Des personnes âgés, des jeunes et surtout beaucoup de femmes japonaises. Qu’il y ait en face beaucoup d’hommes occidentaux très possiblement français rajoute à l’impression de rencontre matrimoniale.

Je bois et je suis dans mes pensées, je ne me focalise sur rien, jusqu’à ce que mon regard croise celui de Mika. Pas le chanteur non, une japonaise qui est pourtant autour de la table. Que les regards se croisent n’a rien de surprenant et ce n’est pas la peine d’y voir quoique ce soit. Sauf si ça se reproduit. Et que Mika (24 ans) vient vers vous en poussant devant elle son amie Eri (23 ans). J’aurais pu dire « sa petite amie Eri » car elle est vraiment très petite mais vous ne l’auriez pas compris comme ça. Au passage, Anon est parti s’asseoir dans un coin.

Me voilà donc en train de parler avec Eri, épaulé de Romain qui discute avec Mika. Ne me demandez pas pourquoi ni comment on en est arrivé à avoir des « couples » comme ça, je n’en sais rien. Mika a clairement poussé Eri vers moi en tout cas. Je sais pas quelle heure il était mais il ne devait pas être beaucoup plus de 20h20. J’ai passé la soirée à ne parler qu’à elle.

STOOOOOOOOOOOOP ! Laissez moi vous arrêter tout de suite avant que votre imagination ne précède mes mots. Il fût un temps, pas si lointain où j’écrivais tout le bien que j’avais ressenti lors d’une certaine rencontre, avec Yuri et Chihiro. J’avais écrit un post que beaucoup d’entre vous avaient trouvé touchant. A sa relecture aujourd’hui, je me dis que j’avais quand même été vachement sentimental, pas dans le côté « j’ai rencontré des filles » mais dans le côté « j’ai vécu une rencontre ». Aujourd’hui, si la même chose arrivait, avec ce que j’ai vécu entre temps, je ne serais pas aussi émotif, j’aurais plus de recul et en appréciant tout autant, j’en ferais pas des tonnes. La rencontre avec un grand R a été démystifiée par plein de petits évênements, de discutions et de réflexions que j’ai eu depuis le mois de février et son aspect « rare » ne l’était que parce que je suis pas foutu d’être aux bons endroits, pour dire et faire ce qu’il faut. C’est plus rare de tomber sur un diamant si on va pas à la mine.

Je le dis car c’est ce qui est arrivé. Voilà pourquoi je vous arrête, avant que vous pensiez que je ressens la même chose suite à cette rencontre avec Eri. Le contexte est différent, la surprise et la spontanéité sont moindre mais le fait est que j’ai passé le reste de la soirée à ne parler qu’avec elle. Aucune arrière pensée, aucun espoir d’autre chose qu’une bonne discussion, simplement la volonté d’échanger sur nos cultures et de faire connaissance autour de ça. Donc, je peux dire qu’à ce niveau, j’ai grandi. Pas à cause de deux rencontres mais parce qu’ils s’est passé beaucoup de chose que je ne raconte pas/raconterait pas et qui m’ont fait beaucoup réfléchir. La parenthèse est close.

J’ai donc parlé avec Eri tout le reste du temps, en anglais s’il vous plaît. Je suis même encore surpris de réussir à tenir une aussi longue conversation dans la langue de Doctor who. Pourquoi ça a accroché avec elle et pas avec les présentes personnes avec qui nous avions parlé ? Aucune idée. Sans doute simplement parce qu’on a un tempérament proche, des interrogations sur l’un et sur l’autre, qu’on a pas besoin de se tirer les vers du nez pour alimenter la conversation et qu’on rigole des mêmes conneries.

Etant français et connaissant les japonais, je devrais parfois ne pas dire des choses que je dirais normalement. Pour ne pas que ça soit mal interprété, pour ne pas paraître trop familier, toutes ces choses qui préservent l’étiquette et le déroulement logique d’une relation même simplement amicale.
Quand par exemple elle me dit « i’m hot » (« j’ai chaud »), je devrais logiquement lui repondre qu’en effet, il fait chaud dans la salle à cause de la foule ou se genre de banalité. Sauf que dans mon esprit, même si j’ai compris sa phrase, elle prend aussi le sens de « je suis chaude ». C’est plus pareil. Je suis pas japonais donc les banalités, je m’en balance. Je lui ai répondu de ne pas dire cette phrase à un américain, sinon il deviendrait beaucoup plus amical.

Oui bah je suis comme ça moi. Si y’a une connerie à dire ou un double sens à relever, je le relève. Et ça l’a beaucoup fait rire ! Elle est clairement habitué à parler avec des occidentaux.

22h, la soirée se termine, je lui ai passé mon adresse facebook et comme on va tous à la même gare avec romain et mika, on part tous ensemble. Anon est parti depuis un moment car il n’a pas eu la chance de tomber sur des gens qu’il aurait pu considérer comme digne d’intérêt. Sur le chemin, Mika nous demande si on a faim et si on voudrait manger avec elle. Alors on a mangé avant la soirée, on a mangé pendant la soirée donc… bien sûr qu’on a faim !

Ca a été dur quand même et le resto n’avait pas de table de libre donc tous au comptoir, impossible de vraiment parler. On repart vers la gare et il est temps de se quitter. Je ne suis même pas étonné de voir mika prendre romain dans ses bras. A croire que les japonaises ayant des contacts avec l’occident sont plus tactiles. J’y ai aussi droit bien entendu et quand on se sépare d’eri, c’est vraiment comique. Parce qu’elle est toute petite donc je dois trop plier mes jambes pour être à sa hauteur.

On se dit qu’on garde contact et qu’on organisera quelque chose ensemble donc tout reste à faire.

Que dire de cette soirée de rencontre Franco-japonaise. Niveau organisation, il y a moyen de faire mieux. Une musique moins forte, dans un endroit plus agréable et plus grand sera un bon début. Le contact avec les gens a été facile et ce n’était pas grâce à nous. Mais comme on me l’avait dit, c’est le bon endroit pour provoquer des rencontres, des échanges. Car il ne s’agit que de ça, faire connaissance, parler tranquillement, même si derrière on ne revoit personne. Je n’y suis pas allé dans l’optique de repartir avec un contact, encore moins dans l’optique d’une possible romance (tout le contraire même) mais simplement pour parler. Je pensais pas parler anglais à vrai dire mais ce n’est pas plus mal. Je vais vraiment devoir prendre des cours en France à mon retour. Je me suis bien amusé, j’ai passé un très bon moment et même si je ne sais pas ce qui se passera avec eri et mika (peut-être qu’on ne se reverra même pas après tout) j’aurais au moins bien profité. Et si une autre soirée de ce genre est organisé, j’irai, même tout seul.

Et j’ai été très long, désolé.

 

4 Réponses

  1. Juste une chose, que tu aies eu l’impression d’un speed dating n’est en soi pas une impression car c’est carrément ce que c’est…C’est pour ça que ce genre de lieu est vraiment peu recommandable. Et les Jap qui te paraissent avoir plus de 30 ans et qui te disent avoir 25 ans…Laisse moi rire, tu ne t’es pas trompée à cause de la lumière, tu as juste affaire à des mythomanes :)

    • chacun vient pour ce qu’il veut donc dans le lot, bien sûr que certain(e)s viennent pour la drague. Des mythomanes aussi il y en a mais je ne généraliserai pas et je n’en ferai pas une règle non plus. C’était une impression qui ne s’est pas confirmée en parlant aux gens.

  2. Je n’ai pas l’impression que tu es fait de progrès socialement parlant.

    En même temps, contrairement à ce que tu indiques dans ton introduction, je ne t’ai jamais vu comme quelqu’un « qui ne va pas vers les autres ».

    Ou alors il y a un paquet de personnes qui n’ont pas compris que quand tu viens parler avec eux c’est par pur instinct anti-social. ^^

    • C’est parce que tu me vois toujours avec les mêmes personnes (que je connais déjà bien) que tu ne me vois pas comme quelqu’un qui ne va pas vers les autres. Mais on sait très bien tous les deux que j’aurais du mal à m’immiscer dans une conversation, à aller voir un/une inconnu(e) ou parler devant un auditoire, par exemple.

      Mais je ne suis pas anti-social pour autant. J’ai pas envie qu’on fasse l’amalgamme de la réserve/timidité (pas excessive non plus, je suis pas un timide maladif) et de « l’anti-sociabilité ». (je le dis pour ceux qui seraient tentés de faire des raccourcis, je sais que ce n’est pas ton cas).

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