Une rencontre inattendue

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Je ne pensais pas le rencontrer. La surprise fût totale. Surtout comme ça, au hasard, dans ce cadre somptueux. Le hasard fait vraiment bien les choses en fin de compte. Mais le hasard ne se provoque-t-il pas un peu ?

C’est en tout cas ce que je pense car si je ne m’étais pas bougé le cul, je ne l’aurais pas vu. Mais je fais tout à l’envers et il serait mal vu de vous spoiler la fin de ce récit avant d’en vivre le déroulement.

Tout commença samedi dernier, alors que je me disais que j’étais fatigué de bosser sur les vidéos et que le blog est bien gentils mais j’ai l’impression de ne faire que ça. Je décidais de mettre tout en pause. Des articles étaient écrit d’avance de toute façon donc, je pouvais me le permettre. A la place, je me vautrais dans la paresse d’une journée complète de plaisir solitairement vidéoludique. Et c’était bon ! Non content d’être une merde une journée entière, j’enchainais le même traitement les deux jours suivant, alors que dans ma tête, je devais faire plein d’autres choses. Rien à foutre, j’ai de compte à rendre à personne si ce n’est à moi-même.

Mardi, la raison me revient et je stoppe immédiatement cette dérive, ce vieux démon de mes grandes heures hexagonales, du temps où mes week-end se passaient les rideaux fermés à cause des reflets sur la télé. Mais que faire en ce jour ensoleillé ? J’avais bien prévu de partir à tokyo filmer un « welcome to » mais je n’ai rien préparé du tout.

Sur mon balcon, réflechissant le regard perdu, le bruit des hélicoptères pour seule musique, l’évidence me sauta à la gorge. Cette garce n’était pourtant pas planqué bien loin. J’aurais du la voir depuis bien longtemps.

Ces immeubles font parti de ma vue quotidienne, structure immobile à l’inverse du pays lui-même qui a tremblé au moment où j’écris ces lignes.

Ces immeubles titillent ma curiosité et celle-la, faut pas trop la chatouiller parce qu’elle part au quart de tour. Ca n’a d’ailleurs pas raté. Lavé, habillé, besace sur l’épaule et appareil photo chargé, je compte bien découvrir la vie qui se cache au pied de ses superstructures et aussi, voir la mer que je sais toute proche.

Il est déjà 15h, j’ai donc deux heures de soleil devant moi. Je me méfie car à vol d’oiseau, mon but semble proche mais un dédale de ruelles compose mon voisinage proche et il est facile de perdre du temps ou de se perdre tout simplement.

Première étape, la passerelle pour survoler la ligne de chemin de fer. Un otaku des trains descend de sa voiture et court sur cette dernière pour photographier une de ces chenilles de fer. C’est vrai qu’elle semble différente mais pas de quoi faire la course contre elle pour l’avoir sous un meilleur angle. Il a son appareil à la main, j’ai le mien aussi. Il descend la passerelle, je la monte. Nos regards se croisent, un sourire. Ouais, on est bien deux photographes amateurs qui cherchent simplement un sujet à mettre en boite. Si j’étais dans un film, j’aurais croisé une femme plutôt qu’un moche. Monde de merde.

Une femme, j’en trouve justement une sur la passerelle, avec ses deux enfants. Presque trop occupée à regarder les wagons défiler sous nos pieds pour faire attention à moi. Ce n’est pas plus mal, je voudrais pas qu’elle s’enfuit avec ses enfants sous le bras, paniqué devant cet inconnu aux grands yeux.

Le voisinage, enchevêtrement de ruelles, de maisons et de cimetières est le reflet du japon dans lequel j’aimerais vivre si je devais y rester. Un petit coin tranquille, calme, une oasis de simplicité au milieu du tumulte d’une vie à 100 à l’heure, accessible pourtant en peu de temps si l’envie m’en prend. Une vieille voisine avec trois chats, un temple solitaire et un collectionneur de pièces détachées, cet endroit me plait vraiment. Je ne suis pourtant qu’à même pas 10 minutes de chez moi mais j’ai passé la frontière « chemin de fer », je ne suis plus sur le même territoire.

Un autre photographe est au temple, encore un homme bien sur. Je ne m’attarde pas, les temples ont la fâcheuse tendance à être assez frileux en matière d’innovation architecturale.

Je n’ai pas loin à faire pour que mon environnement change du tout au tout. Une nationale, des centres commerciaux et ces buildings qui n’ont jamais été aussi proche. La fracture est brutale entre ce petit village que je viens de quitter et cette ville qui m’ouvre les bras.

Déambulant dans ce dédale de passerelles, de parking et de feux rouges, je croise de plus en plus d’écolières. Sans doute aussi des écoliers d’ailleurs mais mon cerveau à cette incroyable capacité de pouvoir filtrer les jupes et les pantalons, dès la réception du signal visuel. Je les ai pas vu quoi. Je souris en imaginant une certaine personne (sors de ma tête !) en train de me dire d’arrêter de faire la sortie des écoles ! Mais je ne dois pas sourire non plus sinon je vais leur faire peur à ces petites. Enfin, leur faire plus peur que d’habitude je veux dire. Je veux pas passer pour ce que je ne suis pas, un pervers qui prend les écolières en photo. Donc, malgré la pulsion qui monte en moi, je mets le cache sur mon objectif (ce n’est pas une métaphore sexuelle !).

Je suis bien obligé de reconnaitre que, malgré moi, je remonte cette rivière de couettes et de ponytail jusqu’à sa source, l’école Shuei, gigantesque bâtiment qui ne ressemble, encore une fois, en rien au lycée de GTO. Déçu desu !

Pas grave, je touche au but. Je suis déjà au pied des immeubles que je cherchais. Building de grandes marques pour quartier moderne, l’équation gagnante pour avoir en résultat un endroit peuplé d’acheteurs compulsifs se ruant dans la chaleur des trop nombreux centres commerciaux. Le froid m’a engourdi les mains et j’ai l’air d’un handicapé quand je veux me moucher.

De mon balcon, j’imaginais ces immeubles tous collés les uns aux autres mais le quartier est vaste et, oh surprise, je fais une première rencontre inattendue. Le Makuhari Messe. Si ce nom ne vous dit rien, c’est normal. C’est le nom du Convention center qui accueille tous les ans le Tokyo Game show, le plus grand salon de jeu vidéo du japon. Le nom m’était sorti de la tête sinon j’aurais fait le rapprochement depuis longtemps entre ma station de métro, Makuharihongo et le convention center, Makuhari Messe.

Je vais voir ça de plus près mais je dois faire vite car le soleil décline et j’aimerais être au bord de l’eau pour photographier le couché de soleil. Bien sûr, il n’y a rien au convention center, la foule des jours de salon laisse sa place à la solitude du chauffeur de bus qui fume sa clope dans cette partie déserte de la ville.

Un cours d’eau me guide vers la grande bleu. Je dois avoir franchi un portail interdimensionnel sans m’en rendre compte. C’est sûr. Maintenant je suis dans la version « The last of us » de tokyo et je suis le dernier survivant de l’espèce humaine. C’est ce que me laisse penser ces herbes folles ou ce tunnel qui n’attend qu’une adolescente en manque de sac à main (je me comprend).

Bordel, j’aurais du foncer au bord de l’eau plutôt que de faire le tour du Makuhari Messe. Le stade de baseball des « Marines » se dresse entre moi et le berceau de la vie. L’astre rougeoyant chute inexorablement vers la fin. La fin du jour, la fin de ma balade. Un petit coin dégagé entre un bosquet et un bâtiment me permet quand même de me bruler la rétine à la lueur des rayons ardents.

Plouf. c’est le son qu’il aurait du faire en tombant mais rien de cela n’est arrivé. A la place, j’ai le droit au « sorry, gomen nasai » d’un homme qui vient du stade de baseball et qui pensait me géner dans mon shooting. Que nenni mon brave, que nenni.

Avec cette course contre le soleil, j’en ai oublié que je suis proche de l’eau. Proche mais pourtant si loin. Qu’est ce qu’il leur est passé par la tête quand ils ont aménagé les berges avec des parkings et autres constructions ? Je suis obligé de marcher 20 minutes pour trouver un endroit accéssible vers un coin de plage.

Et c’est la que je l’ai vu. La surprise totale. Il n’y a pourtant pas si longtemps que je l’ai vu la dernière fois, quelques semaines à peine. Mais dans ces conditions, ça a une autre gueule.

L’ombre chinoise n’a jamais aussi mal porté son nom qu’à ce moment. Voir la silhouette du mont Fuji, si loin de lui, sur ce ciel… c’était juste magnifique. Un de ces moments que l’inattendu sublime. Qui sait, peut-être aurais-je pu voir le soleil se coucher derrière ? Je le verrai bientôt car après tout, je vis à coté et si l’envie m’en prend, le lendemain je peux y retourner.

Je reste un moment sur cette parcelle de sable, coincé entre un parking et une voie rapide. Mais il ne faut pas regarder autour de sois, ne pas briser la magie du spectacle qui s’offre à moi. Même les cheminés des usines, témoins journaliers de cette merveille, semblent belle sous cette lumière. La baie de tokyo à quelque chose d’irréelle et je me sens à la fois privilégié d’être là mais aussi tellement petit et insignifiant au regard du monde qui m’entoure. Au bout de mon bras, ce sont 30 millions de personne qui vivent et qui ne savent peut-être pas la chance qu’ils ont d’avoir un spectacle pareil à leur fenêtre. Il leur suffit simplement d’ouvrir les yeux. Mais, ouvrirai-je les yeux si j’étais à leur place ? A coté de combien de panoramas de ce genre suis-je passé en étant en France ? Je n’ai de leçon à donner à personne.

Il fait presque nuit quand des cris retentissent derrière moi. Un viol ? un meurtre ? un vol ? Non, juste deux gamines qui ouvrent les yeux. J’espère qu’elles garderont en mémoire cette image. Moi en tout cas, je la garderai pour elles.

Il est l’heure de rentrer maintenant. La nuit noire ne m’effraie pas et me pousse même à m’éloigner de la lumière. Je ne veux pas rentrer par la civilisation et les berges de ce cours d’eau me tendent les bras. Un pêcheur me ferait presque peur quand il décide de jeter sa ligne énergiquement.

Si j’avais su, j’aurais pris mon trépied pour faire de belles photos de nuit, mais j’improvise et je me débrouille comme je peux.

Le sol est glissant de boue, de vase, de vieilles chaussures et de parapluies abandonnés. Merde, je crois que j’ai encore changé de dimension sans m’en rendre compte. Les ponts s’enchainent et il va falloir retrouver la lumière rassurante de la ville qui n’est pourtant pas si lointaine. Pour un pays qui doit faire des économies d’énergie, je trouve absurde d’avoir des lumières au dessus de chaque porte d’appartement. On croirait voir des immeubles sapin de Noël. Être responsable d’accord mais il ne faut surtout pas sacrifier ce confort totalement inutile. Plutôt couper la climatisation l’été que d’éteindre la lumière de mon palier !

Je retrouve mon chemin jusqu’à la partie village de la ville, laissant l’école, le convention center et les buildings derrière moi. Un cimetière sur le bord de la route me salue et le temple solitaire m’appelle de ses lumières.

L’après-midi est passé vite et je suis déjà impatient de revoir ce géant en ombre japonaise.

18 Réponses

  1. Merci pour la ballade, très agréable ! :)

  2. Jolie ballade effectivement!
    « C’est ce que me laisse penser ces herbes folles ou ce tunnel qui n’attend qu’une adolescente en manque de sac à main (je me comprend). »
    On éspère sinon c’est rapatriement saniteire -> Sa

    • On espère sinon c’est rapatriement sanitaire -> Saint Anne direct !
      je reprend la dernière phrase vu que je peux pas éditer ^^
      les photos sont bien sympa, le mont Fuji est splendide sur la baie.

  3. Non mais tu as (encore) pris des écolières en photo !!! espèce de sale pervers va 😀

    plus sérieusement, sympa ta ballade. moi aussi je veux des instants de magie comme ça -_-

    • Magie, c’est le bon terme oui, c’était magique !
      Les écolières se jettent sous mon appareil photo, c’est pas ma faute !

  4. Monsieur devient poète.

    Jolie ballade en effet.

  5. Pour commencer , comme toujours magnifique photo et merci pour cette superbe …… non magnifique evasion

  6. Twintail, tunnel, sac à main. Ce trio gagnant.
    Je comprends que tu ais gardé un bon souvenir de cette promenade.
    Coquin.

    Sinon la photo du couché de soleil en contre jour est très classe.
    La prochaine fois, si tu pouvais prendre des twintails en contre jour sur un couché de soleil, ce serait encore plus classe.

  7. Es-tu sur d’être au japon ? Ces « gargouilles » presque bretonnes et ces lueurs vespérales lorsque le soleil plonge…… J’ai cru un instant être à Locqué….

    • Oui tata :-) A priori, je suis au japon. Mais peut-être que l’on me parle en breton plutot qu’en japonais. Je pense que j’aurais réussi à reconnaitre quand même :-)

  8. Magnifiques photos flamboyantes et super coucher de soleil rouge ! ta ballade nocturne est sympatique, un peu flippante sous les ponts ! Mais comment fais tu pour te repérer !! c’est dingue un vrai lougarou ! biseuuu

  9. Très bel article.

  10. même sans trépied tu fait de très belle photos nocturne, j’aime beaucoup la seconde en nocturne le long du canal.
    petite question quel est le format que tu utilise pour tes photos ?
    et dommage que quand on click sur une image on ne peux pas voir une version grand format, car certaines sont vraiment magnifique.

    • Qu’entends-tu par quel format ?
      je recadre en effet toutes mes photos car a 25 mo chacune, le blog serait trop lent et mon espace server trop rapidement bouffé.

  11. Merci pour la balade =)

    • Je crois que je peux dire que tout le plaisir a été pour moi sur ce coup là ^^

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