DMZ

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7h du matin. C’est la deuzième fois que je me réveille alors que je me suis couché à 2h. Tout est normal donc. Heureusement que je peux glander au lit et que j’ai rien prévu aujourd’hui. De toute façon, j’ai rien de prévu depuis que je suis en Corée, sauf peut-être une excursion organisée par une agence de voyage le 27 juin. D’ailleurs, on est quel jour aujourd’hui ? Ca va, on est que le 27 juin…

Et merde, faut que je me lève…

Voilà comment a débuté cette journée. Les yeux dans le vague, l’esprit embrumé et avec une furieuse envie de se mettre des claques pour ne avoir été foutu de faire attention à la date. Retenir une date, c’est quand même pas la mort si ? Alors je me prépare et je vais prendre le métro direction l’agence de voyage. Les informations fournis par le site internet de l’agence sont presque assez claires pour ne pas perdre de temps à trouver leur bureau. On ne s’attend pas à trouver une agence de voyage au 6e étage d’un grand hôtel de luxe. Une fois au bureau, je donne ma réservation et mon passeport, paye et attends gentiment l’heure du départ (10h).

Entrée du Lotte hôtel où se trouve l’agence de voyage

Je n’ai jamais fait de voyages organisés. Ni même de visites organisées d’ailleurs. La simple idée de ne pas être libre de faire ce que je veux et de prendre mon temps me file des boutons. Suivre un programme à la minute près, entouré des plus gros clichés que l’humanité peut fournir en matière de touristes n’est pas l’idée que je me fait d’un voyage. Malheureusement, je ne peux pas faire autrement pour à la DMZ, la zone démilitarisée qui est à la frontière avec la Corée du nord. Elle n’a de démilitarisée que le nom d’ailleurs car concrêtement, la DMZ est une bande large de 4 kilomètres qui divise la Corée en deux depuis 1953 et la signature de l’armistice de Panmunjeon (nom du village ou l’armistice a été signé). Le nord étant communiste et totalitaire, soutenu par l’URSS et la chine et le sud démocratique soutenu par les Etat-unis plus généralement les Nation-Unies.

Au commencement, cette ligne de séparation symbolique, était une zone parfaitement droite suivant le 38e parallèle, signe géographique visible sur n’importe quelle carte. Après la capitulation japonaise en 1945, il avait été décidé que l’URSS s’occuperait des troupes japonaises en Corée situées au dessus du 38e parallèle et que les Etat-unis s’occuperaient de celles situées en dessous. La guerre froide s’étant installée petit à petit, le nord est resté sous le protectorat communiste avec des élections non officielles et le sud sous la coupe de plus en plus distante des Etats-unis et des Nation-unies. En 1950, la Corée du nord attaque le sud et prend Seoul en 3 jours. La Corée du sud n’a pas de char ni d’aviation et se fait balayer. Au plus fort de la guerre, la Corée du sud se résumait à une zone d’une centaine de kilomètre autour de Busan, la ville la plus au sud-est du pays. Mais les Etats-unis et les Nations unies sont intervenus, ont repoussé les forces nord coréennes jusqu’à la frontière avec la chine, avant de se faire ramener près du 38e parallèle par l’armée Sino-nord coréenne. L’armistice de Panmunjeon mit fin à la guerre en 1953, il y a donc maintenant 60 ans.

Tout ça, je l’ai appris au mémorial de la guerre de Corée, première étape de cette journée chronométrée. Dans le car qui nous y amène, il n’y a que des touristes étrangers (de Singapour, d’Allemagne, de Taiwan, des Etats-unis, de Finlande, etc). Chacun a une place d’attribuée et étant seul (seul français en plus), j’ai été mis à côté d’un allemand faisant parti d’un groupe de 3. Au bout de trois minutes, il change de place et se met tout seul à une autre rangée. Merci mec, j’avais pas envie de faire la cauzette non plus ! Le mémorial de la guerre de Corée est un musée assez grand qu’on a du faire en 45 minutes. Notre guide nous a expliqué les étapes historiquement importes avant de nous laisser 30 minutes de temps libre. 30 minutes pour voir un musée… mais bien sûr. Surtout que sur la place devant le musée se prépare une célébration avec des parades militaires, des parades en costumes traditionnels, des démonstrations de combat à l’arme blanche et de jonglage avec des fusils. Et baaaaaah on veeeeeeerraaaaaa riiiiiien car il faut partir maintenant !

On va déjà près de la frontière, à Imjingak voir le parc entourant le « Freedom bridge ».  Ce parc rend hommage aux personnes ayant de la famille dans l’autre Corée. A la fin de la guerre, chaque camp a rendu des prisonniers de guerre à l’autre camp et le « Freedom bridget a servi a faire cet échange. Mais tout le monde n’a pas pu/voulu rentrer et ceux la sont condamnés à ne jamais revoir leur famille. C’est par exemple le cas du PDG de la marque Hyundai qui vient de Corée du nord et qui est resté au sud après la guerre. Une pause de 20 minutes nous permet de rapidement flâner près des zones d’observation du pont et de voir le début de la zone démilitarisée.

Et on repart pour aller manger ! Ca sera peut-être l’occasion de faire connaissance avec les gens même si tout le monde reste avec son groupe d’amis et que personne ne se mélange. Un bon repas, ça permet de rapprocher les gens. Et baaaaah… nan. Vu que je suis le seul à être seul, on va me mettre à une table tout seul. C’est pas une trop bonne idée ? Me mettre avec les deux japonaises ou les deux taïwanais ? Naaaaaaaan ! Tout seul c’est bien, ça permet de manger et… de fermer sa gueule. Repas typiquement coréen avec du boeuf dans une cocotte avec des champignon et des oignons et comme d’habitude, plein de petits plats inconnus et du riz. Si il ne fallait pas bouger toute l’installation avec la cocotte sur le feu, j’aurais demandé à m’incruster sur une autre table.

Bon, on se casse et on va enfin entrer dans la zone démilitarisée. A chaque fois qu’on est dans le car, notre guide nous explique plein de choses sur l’histoire de la Corée et de la guerre, des anecdotes et la vision que les coréens ont de cet événement. Elle nous parle aussi des étapes qu’on devra suivre dans la DMZ et de ce qu’on peut et ne peut pas faire.

Il faut bien comprendre ce qu’il en est. De France ou de partout ailleurs, on entend aux infos que la Corée du nord fait-ci, que la Corée du nord fait ça et même si c’est inquiétant, c’est loin et on imagine pas les conséquences que ça entraine pour les pays voisins. Quand il y a menace nucléaire comme en avril, je vous rappelle que le Japon déploie en plein Tokyo des batteries de missile d’interception. Alors imaginez la Corée du sud, avec Seoul qui ne se trouve qu’à 40 kilomètres de la frontière. Les rivières au nord de Seoul sont toutes entourées de barbelés, des miradors sont installés régulièrement et en se rapprochant de la frontière, les accès principaux sont équipés de « Tank ». Je sais pas trop comment le traduire en fait. C’est comme un énorme bloc de béton au dessus de la route, comme un pont quoi, soutenu par des piliers, qui sert à ralentir une possible invasion. On fait sauter les piliers, le bloc tombe sur la route et elle est condamnée.

A l’entrée de la DMZ, un soldat coréen vérifie nos passeports. L’agence de voyage lui a envoyé la liste et il ne fait que vérifier. A partir de là, les photos sont interdites pour raisons de sécurité. On traverse un grand pont et on comprend vite où on va mettre les pieds. La route est encombrée de barrières qui forcent le car à faire des zigzag à faible vitesse. On voit sur le côté que des herses peuvent être déployées rapidement et on croise des camions remplis de soldats, la plupart faisant leur service militaire. Le service militaire est obligatoire en Corée et dure 2 ans. On ne peut pas trouver de travail si on ne le fait pas. Faire son devoir militaire prend de toute façon tout son sens quand on sait que d’un instant à l’autre, il peut vraiment y avoir une guerre.

Rapidement on arrive dans le camp Bonifas où l’on va être briefé sur la JSA, le « MAC building » et plus généralement, les soucis qu’il y a eu dans la zone. La JSA, c’est la « Joint Security Area » (Zone de sécurité commune), la zone où l’on se trouve déjà. Pourquoi Joint Security Area ? Car il y a en plus des troupes coréennes, des troupes américaines en soutien.

Le « MAC  building », c’est le siège de la Military Armistice Commision (commission militaire de l’armistice) chargée de surveiller que tout le monde respecte les termes de cet armistice. C’est aussi le seul endroit au monde où l’on peut passer en Corée du nord et en revenir. C’est ici que se réunissent les représentants des deux Corée pour négocier.
On nous parle aussi de « l’incident du peuplier » de 1976 ou deux officiers américains fûrent tués par des Nord coréen car ils voulaient élaguer un peuplier qui génait la vue entre deux miradors, du côté sud coréen. Mais à cette époque, les nord coréens devaient passer par le « bridge of no return » pour aller de leur côté du camp. Un peuplier qui gène la communication visuelle entre deux miradors devaient les arranger alors une bataille a éclaté. Après cet incident, les nord coréens ont construit le « 72 hours bridge », pont construit en 72 heures comme son nom l’indique et qui leur permet de ne plus passé en Corée du sud.

plan de la JSA, MAC building en bleu

Le briefing fini, on change de car pour en prendre un bleu, la couleur des Nations Unies. Un militaire américain nous escorte et on apprend que les visiteurs venu le matin n’ont pas pu rentrer dans le MAC building à cause d’un regroupement de troupe nord coréenne dans le bâtiment proche (300 personnes). A priori, ce n’est plus le cas mais rien n’est encore sûr. La sécurité prime et si les soldats jugent qu’ils ne peuvent pas assurer notre sécurité, ils ne nous feront pas rentrer. Arrivé au cœur de la JSA, nous descendons du car et on nous met en rang deux par deux. On est impair, je suis tout seul et je le reste. On traverse la « house of freedom » et on découvre enfin la frontière, le bâtiment qui permet de négocier et en face de nous, la Corée du nord. Il est interdit de pointer du doigt ou de montrer quelque chose en direction du nord. Les nord coréens surveillent les gens et les prennent en photo pour ensuite s’en servir dans leur propagande. Il est aussi interdit de venir avec un sac/sac a dos ou une tenue inappropriée (mini jupe, débardeur, sandale, etc) dans le même but mais aussi parce que nous sommes dans une zone militaire.

De notre coté de la frontière se tiennent 5 gardes, tous en direction du nord. Ceux qui sont collé au MAC ont la moitié du corps protégé par le bâtiment et l’autre moitié qui surveille. Pourquoi ? Pour se cacher en cas de tir. Celui qui est au milieu n’aura pas de chance dans ce cas. Nous entrons enfin dans la salle de réunion avec sa grande table, prolongement de la frontière invisible. Sur la gauche, un soldat sud coréen et tout au fond, un soldat sud coréen aussi, bloquant le passage. Tous deux ont des lunettes de soleil pour cacher leur regard. On ne sait pas ce qu’ils regardent. Si l’on peut passer en Corée du nord en toute liberté, il est interdit de passé derrière le garde, sous peine de… foutre la merde je pense.

Corée du nord / Corée du sud

Sans faire dans la dramaturgie ou dans le sensationnel, on sent qu’il y a de la tension ici et à l’extérieur. Les soldats ne sont pas là pour plaisanter. C’est pas la garde de Buckingham Palace par exemple. On imagine que si un soldat fait un geste brusque ou suspect du côté Nord de la frontière, ça peut partir très vite en couille. Ca a déjà été le cas et dans le contexte actuel, c’est tendu. Ca n’empêche pas les touristes présents de se faire prendre en photo à côté des soldats, avec leur sourire à la con, trop fier de pouvoir les montrer en rentrant chez eux. Ils étaient ridicules. Et quand l’un deux m’a demandé si je voulais être pris moi aussi en photo, j’ai pas du réussir à cacher ma moquerie quand je lui ai dit : « euuuuh no thank you ».
Vous savez déjà à quel point je suis beau, pas la peine de vous le remontrer en étant à côté d’un soldat. Le temps nous est compté ici aussi et il faut déjà repartir. En sortant, on nous autorise à prendre des photos en direction de la Corée du nord. On ne fait pas n’importe quoi et les soldats veillent. Pas de photo ni à gauche, ni à droite. On se remet deux par deux pour retourner au car et faire un dernier tour le long de la frontière. Une jeep nous escorte et on s’arrête à des « points photos ».

Encore une fois c’est ridicule et ça se résume à :
« Nous allons arriver à la stèle du conflit du peuplier. Vous pouvez vous lever et faire des photos (c’est juste un petit bloc de pierre avec une inscription mais tout le monde se lève pour la prendre en photo depuis le car). Asseyez-vous maintenant. Nous allons arriver au « bridge of no return ». Vous pouvez vous lever et faire des photos (un pont envahi par la végétation que tout le monde prend avec son téléphone en 4-5 exemplaires, pour le cas ou le pont aurait bougé en une seconde).

On retourne au camp Bonifas pour le passage à la boutique de souvenirs et retour à Seoul, pas mécontent de quitter ces clichés de touristes ambulant et la visite chronométrée plus généralement.

Que dire donc de cette journée. Très intéressante pour le côté historique, anecdote et pour prendre conscience de la réalité politique et militaire du pays. C’est pas la joie, c’est tendu et y faire face ne fait pas de mal. La DMZ n’est pas un parc d’attraction. C’est un endroit miné (plus d’un million de mine le long de la frontière) qui paradoxalement est aussi devenu une réserve naturelle. En y allant, on est jamais sûr de tout voir car la sécurité prédomine et aucun risque ne sera pris. Par contre, tout est chronométré et je déteste ça. On ne peut pas faire autrement malheureusement et le seul moyen d’y aller est de passer par une agence.

C’était une bonne expérience et je pense qu’un jour, dans les prochaines années, je tenterai de faire un circuit en Corée du nord, avant de faire la Birmanie mais après le Mali et la Colombie par contre.

 

5 Réponses

  1. Autant je comprends la blague de fin avec la Corée du Nord et le Mali, autant pour la Birmanie et la Colombie… Deux pays plutôt assez ouverts au tourisme (surtout la Birmanie). Tu m’aurais dit « bwhaha et j’irai aussi en Espagne » ça serait pareil.

    Nan nan, tu aurais dit l’Egypte LÀ oui ! Là t’es couillu et subversif ^^

    • La birmanie, depuis le dernier rambo, c’est fréquentable ouais ^^

  2. C’est pareil dans tous les pays les excursions organisées, quand t’es tout seul, t’es tout seul du début à la fin ^^

  3. Très intéressant. Toi en photo à coté d’un militaire coréen, vu la différence de taille, on t’aurait prit pour un lampadaire (cf les inconnus).

  4. Il y aura de l’animation au retour. Je vais t’envoyer mes cousins. Cache toi en Corée du Nord sinon je donne par cher de ta peau. Tu viens de déclarer la guerre au peuple malien.

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