Enoshima

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La nostalgie est un sentiment puissant, agréable mais aussi terriblement dangereux si on le laisse nous dévorer. Elle cristallise nos bons moments passés, les distille en goutte à goutte dans la veine de notre mélancolie et nous fait dériver sur les flots lancinants d’un bien-être cotonneux, à mille lieues de la réalité qui nous à fait plonger dans ce narcotique sainement humain. C’est elle qui nous fait compter les « dernières fois ». Le dernier passage au combini, le dernier Backstage, le dernier concert, le dernier temple… la dernière visite en dehors de Tokyo avec des amis puisque c’est de ça dont il s’agit aujourd’hui.

On a choisi Enoshima car c’était proche, connu et que nous l’avions au mieux, vu rapidement. Généralement, le touriste averti vient aussi bien à Enoshima qu’à Kamakura, les deux villes étant toutes proches mais nous, on est plus qu’averti alors Kamakura, on connait bien et l’ile d’Enoshima, on veut la découvrir tranquillement. Il ne faut qu’une grosse heure de train pour y aller, le temps nécessaire pour passer de la ville à la mer. C’est un peu l’avantage d’être sur une île en même temps mais je vous garanti qu’entre l’odeur iodée d’Enoshima et l’odeur de la baie de Tokyo, il y a une sacrée différence.

Je ne suis venu ici qu’une seule fois, lors de mon premier voyage en 2007. C’était le dernier jour de ce voyage d’ailleurs. A croire que je réserve cette destination pour marquer la fin, de manière générale. Nous n’avions pas été plus loin que le premier temple à l’époque, histoire d’avoir le temps de voir Kamakura. Aujourd’hui, je reconnais les lieux comme si c’était hier. Que ce soit la gare avec sont design très touristique ou le pont qui relie la terre à l’île, rien a changé.

Le soleil n’est pas forcément au rendez-vous mais ce n’est pas pour autant que la visite sera gâchée. L’automne est là, les soirées sont un peu plus fraiches et Airv et moi sommes clairement malade. Ismath s’en sort mieux mais à force de nous voir, ça ne va pas durer. Oui, je traine beaucoup avec ces deux la depuis quelques semaines et c’est bien normal en même temps, vu qu’on s’entend bien.

Sur l’île d’Enoshima, on passe son temps à grimper des escaliers. Mais si vous êtes vieux ou riche, vous pouvez prendre les escalators payants. Bien vu pour les personnes agées qui ne sont plus obligées de laisser leur santé sur les marches des temples. Des temples dont la symbolique est plus qu’importante, en tout cas pour le premier. Dans ce temple, vous pouvez laver votre argent (pour en avoir plus), ou bien faire une offrande dans la bourse géante et prier. J’avais un peu d’argent sale alors je l’ai blanchi. Tout est bon pour en avoir un peu plus nan ?

Ne me demandez pas le nom des temples, je n’en sais rien et pour une fois, je n’en avais rien à faire. L’essentiel était d’être au bord de la mer dans un bel endroit pour profiter de la journée avec des amis. Alors on a continué à grimper des marches pour arriver à un autre temple. Nouvelle surprise (en plus des escalators), il y a de petits plateaux pour poser son smartphone et se prendre en photo tout seul devant l’édifice. Encore faut-il que le smartphone ne tombe pas. Je dis ça, je ne dis rien.

Assez vite, on arrive au sommet de l’île. Soleil, vue dégagée, légère brise, groupe de mémé qui veut que je les prenne en photo… Eh ! d’habitude ce sont les jeunes que j’attire et Ismath les vieux ! Tout se perd ! Un phare est accessible mais pour cela il faut payer l’entrée d’un jardin qui ne nous fait pas envie. On passe notre tour et continuons notre route vers un autre temple. Shisa et dragon tentent de nous impressionner mais c’est vite oublier ce que j’ai de tatoué sur le dos. Sans surprise, les chats ont élus domicile ici et vu leur tour de taille, la cantine est bonne.

Sans s’en apercevoir, on redescend doucement vers la mer, non sans faire un détour vers « la cloche de l’amour » et quelques sous-bois plein d’arachnides de ce type. Okinawa me semble tout proche.

Le bord de mer est un terrain sauvage où seul une passerelle est aménagée. Cette dernière nous amène aux grottes Iwaya. Deux galeries distinctes, vraiment pas profondes, à des année lumière de la grotte que j’ai vu à Okinawa par exemple. Dans la première, on nous donne une bougie avant d’entrée. Alors comment vous dire qu’une bougie d’anniversaire éclaire comme mes fesses et que c’est inutile quand il y a un minimum de lumière dans les galeries. Attention à la tête toute fois car c’est vraiment bas. La seconde galerie est la grotte du dragon où l’on raconte qu’un dragon à 5 tête y vivait et qu’il voulait pour épouse l’incarnation de je ne sais plus qu’elle déesse. Dans les fait, il y a la statue d’un dragon et quand on tape dans ses mains, des flash de lumière se déclenchent. Ca suffit pour nous amuser quelques minutes en tout cas, comme des gosses.

Le temps est vraiment clément quand on sort et on profite un peu du soleil, assis près d’un bassin naturel sur la côte. On observe un pêcheur, imagine jeter quelques chiens pour pêcher le requin, rigole quand une jeune femme se fait voler sa nourriture dans la main par un faucon, bref, il y a de l’animation et on ne voit pas le temps passer. Pourtant il est l’heure de manger.

En remontant vers le sommet, un restaurant avec une belle vue nous tend les bras. Je me suis tout d’un coup transformé en « angle mort mentale ». Tout le monde commande un plat et une boisson, quand je commande le mien, la serveuse me regarde et me fait un signe de tête pour confirmer qu’elle a compris. Nos boissons arrivent, pas de soucis mais pour les plats, on m’oublie. Genre en fait, elle l’a pas noté (la note est sur notre table). OK, je recommande. On mange et on discute longtemps, tranquille au soleil. Genre on discute tellement longtemps qu’on nous apporte un thé quoi. Au moment de payer, j’annonce mon plat et oublie la bière. Airv me le rappelle donc je lui dis que j’ai une bière aussi et… Elle me fait payer que la bierre. C’est con airv ou ismath vont payer mon plat du coup. Et bah non. C’est cadeau. Ok, merci. Enoshima, c’est cool !

Pour repartir, on passe par le chemin des écoliers, un chemin marqué nul part que les gens prennent quand même et qui ramène au point de départ tout doucement, en pente douce.

On a encore plein de temps devant nous alors je propose de pousser jusqu’à Kamakura. En plus, un vieux train un peu spécial nous y amènera. Un train qui roule sur la route, avec un plancher en bois, dans le style des tramway d’Hiroshima. Et quand je dis qu’il roule sur la route, ce n’est pas comme les tramway avec une voie réservée. Ici, les voitures doivent s’arrêter sur le côté pour le laisser passer ! Dans le train, nous sommes avec des petites écolières de 6 ans plus ou moins. Déjà qu’à la base, les petites mômes asiatiques sont trop mimi, mais en plus habillées en écolière façon dessin animé, c’est trop fort.

Et c’est encore plus marrant quand je les vois sans arrêt me regarder, se parler à voix basse avant de me jeter des regards encore et encore. Ismath, assis à côté d’elle me dira ensuite qu’elle me trouvaient mignon. C’était évident mais la discrétion des enfants est toujours aussi drôle. Et c’est mignon quoi. Dommage qu’avec les lycéennes, ça ne soit pas pareil !

Arrivé à Kamakura, on fait dans le très classique. Daibutsu et puis c’est tout. On l’a déjà tous vu donc c’est vraiment un prétexte pour ne pas rentrer à Tokyo tout de suite. C’est encore une fois l’occasion de raconter de la merde et de partir dans des délires absurdes. C’est souvent le cas je trouve avec mes amis. Les mauvaises langues diront que c’est de ma faute mais ce ne sont pas de mauvaises langues pour rien !

L’essentiel reste de rire et tant pis pour le reste. On est tous les trois proche de la fin de notre séjours, certains sont restés plus longtemps que d’autres mais le départ n’en est pas moins difficile alors ne pas y penser pendant une journée, c’est cool.

Malheureusement, le fait est qu’on est déjà à la fin de cette année. Je m’approche à vitesse grand V de mon dernier jour, de mon dernier repas, de mon dernier tour de Yamanote, de toutes ces dernières fois qui me rendent nostalgique. Et avec tout ça reviennent les souvenirs d’un an d’aventure, un an de rêve que je dois vous livrer une dernière fois avant de tirer ma révérence. J’imagine déjà que j’écrirai trop mais j’ai aussi trop de choses à dire. J’imagine que je voudrai vous faire partager ma peine alors que c’est ma joie que je devrais transmettre mais sachez que sera de toute façon sincère. Peut-être un peu trop, comme toujours.

Je ne sais pas quand je serai prêt, je ne sais pas quand j’aurai réussi à tout coucher sur les lignes de ce blog et je ne sais pas quand sera prête la vidéo que je prépare pour aller de paire. Bref, ma seule certitude est que je ne serai plus très longtemps le rapporteur de ma vie au Japon.

 

4 Réponses

  1. Hé ben… Ça fait un moment que je te suis dans tes pérégrinations, et j’aurais qu’une chose à dire : Courage !! En fait si, j’en ai une deuxième : pourquoi tu restes pas ?! (question rhétorique hein, je me doute que tu as tes raisons). Bref, vraiment, courage !

    • Merci ! Je ne reste pas car mon visa se termine, tout simplement et que je n’en ai pas d’autre. Mais je détaillerai tout dans mon bilan de l’année :-)

  2. Comme on dit chez nous, toutes les bonnes choses ont une fin, sauf la saucisse qui en a deux.

    Ca fait un moment que je lis ton blog, que j’ai découvert tardivement et qui dorénavant occupe largement certaines de mes journées un peu trop interminables au boulot.
    Je te félicite en tout cas, l’écriture rend les billets vraiment interessants et divertissants, et les photos sont juste superbes.

    J’en profite pour te demander, même si je suis sur d’avoir déja lu la réponse quelque part sur le site, mais impossible de retrouver où, quel type d’appareil photo tu utilises, et si tu as eu une formation photo avant de partir, ou bien si tu es juste un très bon autodidacte (ou si l’appareil fait tout, qui sait ? 😛 ).

    Merci d’avance, et profite encore bien de tes derniers jours (puis bon, tu retourneras surement au Japon par la suite, je pense ?).

    • Merci beaucoup, ça fait toujours plaisir d’avoir des messages plein de compliments, venant de personnes qui ne se sont jamais manifestées. Mettre des mot et des noms sur les inconnus qui me lisent, ça change vraiment les choses.
      Comme appareil photo, j’utilise un Sony Nex 7 avec un 18-200mm F3.5-6.2 et un Zeiss 24mm F1.8. L’appareil aide a avoir des photo propre mais sans me jetter de fleur, ca ne rend pas les photos « artistiquement » belle. Et je suis pas un artiste :-) Je n’ai aucune formation, je n’ai pas suivi de stage, j’ai juste pris beaucoup de photos et réfléchi à la manière de m’améliorer.
      Bien entendu, je reviendrai au Japon, peut-être plus tôt que prévu d’ailleurs mais c’est une certitude, je reviendrai 😉

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