Conduire au Japon. (Maj : autoroute)

j’ai conduit et ça vous fait une belle jambe de le savoir n’est-ce pas ? Quoi que c’est peut-être plus intéressant que si je vous avais dit : « j’ai bu du jus d’orange ! » (encore que ça dépend d’où viennent les oranges). Mais ce petit fait anodin dans notre pays d’origine prend une toute autre ampleur/importance à partir du moment où je le fais au Japon.

Car comme le reste de la vie ici, il y a des différences et des similitudes avec la France. Je vais pas revenir sur la partie administrative du permis de conduire vu que j’en ai déjà parler ici mais j’ai depuis reçu la traduction de mon permis. Ca se résume en deux feuilles A4 qui reprennent simplement les infos de mon permis sur l’une et sur l’autre, les infos sur ce que je peux conduire au japon. Le format n’est pas pratique pour l’avoir toujours sur soi mais j’imagine que c’est le plus simple pour la Japan Automobile Federation. Ne pas oublier non plus d’avoir toujours son permis français sur soi ainsi que son passeport. Ca serait con d’être emmerdé en cas de contrôle routier.

J’ai passé mon permis à 18 ans et j’ai tout eu du premier coup, code et conduite. Ca ne fait pas de moi un bon conducteur, juste quelqu’un de chanceux je pense. Surtout qu’après mon permis, je n’ai conduit que très ponctuellement pendant 6 ans, avant l’achat de ma première et seule voiture, une Audi A4 2.0 TFSI Quattro. Je ne me la pète pas, j’avais économisé pour l’acheter alors je me suis fait plaisir.

Je l’ai vendu 1 an et demi après parce que j’avais fait a peine 10 000 km, autant dire que je ne roulais pas. J’ai préféré reprendre mon argent et partir au Japon.
Depuis je loue des voitures ou j’emprunte celles de mes amis. J’ai conduit beaucoup de choses avec beaucoup de gabarits différents : Renault Espace, Toyota Prévia, R19, Clio, 208, Fiesta, C4 picasso, Hyundai Tucson, etc. Conduire gros ou petit ne me fait pas peur. Ce qui me faisait peur avant de conduire ici, c’était de rouler à gauche. C’est 29 ans d’habitudes et de réflexes qu’il faut oublier. J’avais pris un peu l’habitude en faisant du vélo à Tokyo l’année dernière mais les réflexes de conducteur et de cycliste ne sont pas les même.

D’ailleurs, pourquoi roule-t-on à gauche en angleterre et au japon (entre autre) et à droite en France ? Car quand on faisait du cheval dans les temps lointain, à l’époque ou l’on se baladait encore avec une épée, la plupart des cavaliers portait leurs épées sur le flanc gauche (vu qu’ils étaient droitiers). Du coup, pour ne pas que les épées se touchent en croisant un autre cavalier, ce qui serait une provocation, il était naturel de marcher à gauche de la route. En France c’était pareil jusqu’à Napoléon ou par esprit de contradiction, on a fait le contraire. Et pour le Japon, on en sait rien. Ils sont juste bizarre je crois. Pour de plus amples explication, allez faire un tour sur la chaine youtube « E-penser » !

Mais je m’emballe un peu là ! Avant de pouvoir rouler, il faut une voiture. Quand on me parle de voitures japonaises, mon âme d’enfant revoit Gran turismo 1, la GTO LM edition, la SKyline R33, R34, les Mitsubishi Lancer, les Subaru Impreza (la 22b !!!), la Toyota Supra… Du rêve putain !!!

Et quand j’arrive ici au Japon, que ma copine me donne les clé de sa voiture, elle me dit :
– « tu conduis la Lapin ? »
– « Je peux pas conduire la voiture plutôt ? »
–  » Mais c’est son nom, une Suzuki Lapin ! »
– « Ah ah ah, lui dis-je. Mais en vrai, c’est quoi comme voiture ? »

Bah c’est bien une Suzuki Lapin. Ca existe pas en France comme 80% des voitures au Japon et il ne faut pas chercher bien loin pour comprendre pourquoi. Disons que les constructeurs s’adaptent à leur marché et celui du Japon est constitué de petites voitures assez simples, parfois mignonne comme la Nissan Cube mais surtout assez petites. Il y a aussi des berlines et des 4×4 bien sûr mais dans le paysage routier, c’est surtout ces petites citadines que vous verrez.

Premier contact avec la bête : volant à droite et boite automatique, clignotant à droite du volant (en haut pour aller à gauche, en bas pour aller à droite), essuie glace à gauche et levier de la boite auto derrière la commande des essuie-glace, à l’américaine. Les clignotants, c’est assez déstabilisant. J’ai mis pas mal de fois les essuie-glace en voulant tourner. Je mets le contact et la voiture me parle. Elle raconte toujours la même chose quand on démarre et je réagis toujours de la même façon : je l’ignore.

Aller on avance et dans ma tête, il n’y a qu’une pensée. Gauche, gauche, gauche, gauche. Quand je tourne, je pense « gauche, gauche, gauche ». Ca parait con mais on a vraiment des réflexes et rouler à gauche n’est pas naturel du tout au début. Il m’a fallu quelques jours pour ne plus avoir à penser à ça.

Une fois sur la route, la boite automatique facilite les choses et on se concentre sur la route et les panneaux. La route principale dans le coin est une 2×2 voie. Si je me souviens bien de mon code, en France on roule à 90 tranquillement (sauf en ville). Ici, c’est loin d’être le cas. Très loin d’être le cas. Car les panneaux indique 60 km/h. Oui oui, moi aussi ça m’a fait un choc. Déjà qu’en France, on arrive vite à rouler à 60 en ville si on fait pas attention mais alors sur des routes aussi grandes… Sauf que non. Parce que vous êtes dans une Suzuki Lapin et comme toutes les voitures du genre, ça avance pas. 140 km/h en V-max au compteur, ça permet pas de rouler comme un fou, même sans faire attention. Alors c’est facile de respecter les limitations. Même rouler à 40 km/h sur les routes classiques. On roule vraiment pas vite, peu importe l’endroit en fait.

Le plus étonnant, c’est qu’on a pas l’impression de se trainer car tout le monde roule à la même allure globalement. On a pas de gros lourds qui nous collent au cul parce qu’on avance pas assez vite pour eux. A 10 km/h près, tout le monde respect la vitesse. Certes on se fait doubler quand on respecte la vitesse mais pas si souvent et vraiment pas vite. C’est le père de famille qui est à 65 au lieu de 60 ou qui n’a pas vu que la portion est à 50 au lieu de 60. Il y a des branleurs qui font les cons (et on est à la campagne, le lieu propice à faire n’importe quoi vu qu’il y a moins de monde) mais c’est super rare.

Si vous avez déjà vu des making-of de courses poursuite dans les films, vous avez vu que les voiture « figurantes » sont bien disposée exprès et roule moins vite pour donner une impression de vitesse au montage. Et bien tout ça, c’est pas fait exprès. C’est juste que ce sont des japonais qui conduisent les voitures figurantes.

Dans la manière de conduire, il y a des choses qui me feraient hurler en France mais qui sont normales ici. Comme s’arrêter sur la file de droite (donc au milieu des 2×2 voies) pour couper les voies en contre sens et rentrer dans un magasin (et pareil en sortant des magasins hein). Ou doubler par la gauche quand quelqu’un est à droite et ne roule vraiment pas. C’est normal, on peut, on le fait dans le calme sans insulte ni doigt d’honneur. Les lignes blanches ? C’est juste pour marquer les voies au sol mais ça va on peut les couper, on s’en fout.

C’est juste des comportements à perdre en fait, et de nouveaux à prendre. Comme les feux rouges placés de l’autre côté des carrefours ou le fait de ne pas s’arrêter sur les passages piétons/sortie de combinis quand on attend au feu. Je sais qu’en France ça devrait être pareil mais personne ne le fait.
Au niveau des panneaux, la plupart sont en Kanji et dans notre alphabet donc pas de soucis. Sinon, on met le GPS de toute façon. Petit point bien cool par contre, les places de parking dans les magasins. Déjà, elles sont assez larges et très souvent, elles ne sont pas séparées par une simple ligne blanche mais par deux lignes blanches, pour avoir un vrai espace entre les places. Les coups de portières doivent être plus rare du coup.

Que dire de plus ? Ah oui, l’essence ! C’est pas très cher, comparativement à la France. Le litre de Sans plomb est à 162 yens soit 1,18 euro. Ma copine a une carte dans une chaine de station service donc on va toujours au même endroit. Je sais pas si ça se passe comme ça partout donc pas de généralité mais voilà comment ça se passe pour nous. Il y a plusieurs cas possibles.
Vous avez des réductions : vous arrivez, allez voir un des pompistes (oui ça existe encore ici), vous lui dites que vous voulez mettre 1000, 2000 ou X mille yens et il paramètre votre pompe pour le montant demandé. Autant vous dire qu’il faut connaitre la taille de son réservoir si on veut faire le plein pour pas demander trop d’essence.
Enfin c’est ce qu’on pensait avant que mon beau-père nous explique une autre méthode, une fois qu’on avait plus de reductions. La carte de la pompe à essence sert de portefeuille donc si on demande trop d’essence pour notre réservoir, le surplus monétaire reste sur la carte et servira la prochaine fois. Ou bien, on peut le récupérer en scannant le code barre de notre ticket de caisse et en mettant notre carte dans la machine prévue à cet effet. Pratique !

Petite anecdote comique : je suis tombé il y a pas longtemps sur une émission de télé qui montrait aux Japonais comment prendre un rond-point. Car il n’y en a pas du tout au japon (il doit y en avoir mais j’ai trop de doigt sur les mains pour les compter). Quand on a globalement que des carrefours, un rond point peut être déroutant.

Voila voila pour mon expérience de conducteur. Je suis frustré par la Lapin alors que je vois presque tous les jours 3 Nissan skyline R33 préparée dans un concessionnaire mais je compense en me délectant de la tête des gens quand ils me voient sortir de la voiture, ou quand ils me regardent au feu rouge. Oui, je roule en Suzuki Lapin, keskiya !!!

Pour certains endroits du Japon (okinawa ou les coin un peu reculé), pouvoir conduire est un vrai plus. C’est pas compliqué et le comportement routier des japonais est comme leur comportement en général, c’est à dire très respectueux donc il n’y a pas à avoir peur de rouler. La traduction du permis est simple, les indications des panneaux sont lisible, en sachant dire gauche ou droite, un gps d’iphone suffit largement donc, n’hésitez pas !

MAJ :

Il y a quelques types de voies que je n’avais pas encore empruntées et qui sont pourtant plutôt capitales pour les longs déplacements. Ce sont les voies rapides ou les autoroutes. J’ai eu la chance, que dis-je, l’immense honneur de pouvoir augmenter mon expérience de conducteur sur de longs trajets en autoroute et j’ai été assez surpris. Déjà, il faut payer. Non, ça, ça ne me surprend pas. Je ne pourrai pas vous dire comment on paye dans les détails car on avait emprunté la carte d’autoroute de mon beau-père. C’est une sorte de carte de crédit (s’en est peut-être une remarque), que l’on insère dans un lecteur situé sous le volant de la voiture, lui-même relié à un tout petit boitier collé en haut du pare-brise. Avec ça, plus besoin de s’arrêter au péage, une voie nous est réservée et en roulant à 20 km, la barrière s’ouvre devant nous et l’argent est prélevé sur la carte. Je sais qu’il y a un système du même genre en France mais je ne connais pas le fonctionnement.

Ensuite, il faut s’insérer sur la voie rapide et je vous rappelle que j’ai une Suzuki lapin, plus de 100 000 km au compteur et 140 km/h de vitesse max. Autant vous dire que je ne joue pas au plus malin et que j’appuie pas à fond sur la pédale de droite. Pourtant, on a pas le choix car la voie d’insertion est ultra courte. Facilement un tiers des voies d’insertion françaises !!! C’est assez effrayant au premier abord. Heureusement, tous les autres conducteurs se décalent sur la file de droite pour laisser les gens s’insérer facilement ! J’imagine que tout le monde a du se retrouver un peu « coincé » par un c** qui ne se décalait pas.

Une fois sur l’autoroute, le réflexe est de chercher un panneau qui indique la vitesse max. En roulant à 60 sur les nationales, je me doute que je ne roulerai pas vite. J’ai mis un moment avant de voir un panneau. Un panneau 80 km/h… mais tout le monde me double à cette vitesse ! Même les camions bordel ! Nan mais il doit y avoir un soucis, je vais me caler sur la vitesse de tout le monde, donc 90/100km/h. Miyuki, quelques années de permis derrière elle, n’ayant jamais pris l’autoroute, ne savait pas non plus. Ma prof de japonais m’a donc informé plus tard que la vitesse était de 100km/h, sans savoir me dire pourquoi les rares panneaux indiquaient 80 km/h. Sur les trajets suivant, j’ai donc roulé à 100 mais là encore, je me suis fait doubler assez souvent. Pas à fond par des fous du volant, nan tranquillement, 10-20 km/h au dessus quoi.

Du coup, l’autoroute c’est un peu n’importe quoi dans l’ensemble. Mais un n’importe quoi plutôt sécurisant. On a les gens calme qui roulent à 90, la moyenne qui roule à 100, camion compris, les pressés qui roule à 110-120 et moi qui fait un peu tout. Ouais, même rouler à 120. Ne vous marrez pas ! 120 pour un français, c’est tranquille, même pas la vitesse autorisée (alors que je dépasse déjà de 20km/h celle japonaise). Mais la Lapin, une fois à 110, on est dans Ariane 5. Pas pour la sensation de vitesse, mais bien pour les vibrations. A 120, on est en état de grâce, on plane, on vole, on glisse, on flotte. Le volant est léger, la direction plus imprécise que jamais, on dirait qu’on roule sur l’eau, bref, c’est dangereux ! Et frustrant, parce qu’une voiture qui ne tient pas le 100 km/h en côte, c’est humiliant.
J’ai aussi été surpris de voir que le clignotant est en option quand on roule « vite ». Ca sert à rien quand on déboite et qu’on se rabat n’est-ce pas ? Il parait que non, vu qu’on à la place et que les autres conducteurs nous voient de loin. Ok…

Le plus humiliant reste les petites routes de montagne. Les vraies route de montagnes, celles qui grimpent dur, qui sont sinueuses et avec le vide sur un côté. J’ai aussi testé et si dans ma tête, j’étais au volant d’une A86 façon Initial D, dans la réalité, j’arrivais pas à tenir le 40 km/h réglementaire. Alors c’est ultra fun quand même dans les virages vu que de toute façon, on ne roule pas vite sous peine de mourir. Mais dès qu’il y a une petite ligne droite, je voyais la file d’attente des berlines derrière moi qui s’allongeait. Les petites citadines de même gabarit qui étaient devant moi ont souvent eu la décence de s’arrêter sur le côté pour laisser les autres passer. Mais moi j’ai ma fierté, je préfère encore forcer la voiture à rétrograder pour avancer plutôt que d’abandonner. La prudence est globalement de mise et tout le monde fait très attention. Surtout pour descendre, pied sur le frein. Pourtant le petit gars devant moi semblait bien vif et je l’ai suivi. Jusqu’à le faire « rage quite » après une pointe à 80 en ligne droite, limitée à 40. Il s’est rangé sur le côté pour me laisser passer.

Je résume donc : la Suzuki Lapin n’est pas une voiture pour l’autoroute. Ce n’est pas une voiture pour la montagne. La Suzuki Lapin doit rester en ville et ne jamais en sortir.