Il est temps de laisser ce cerisier-pleureur aux japonais toujours plus nombreux à son chevet et de continuer ma route vers le parc Mokamine. Celui-là même que je ne trouverai pas. Je ne devais pourtant pas être loin mais c’est le souci quand on compare une carte à son équivalent réel. Sur mon plan, un espace vert est un parc et un parc a pas mal d’entrées. Dans la vraie vie, le vert est une petite forêt sur une colline et son entrée est à l‘exact opposé. Tant pis pour moi.
Ou tant mieux en fait. Je verrai bien d’autres choses, rien n’est perdu. Je passe quand même par cette petite forêt où des employés municipaux coupent des arbres tombés sur le chemin. Personne ne semble être passé par la depuis un moment. Remarque, il n’y a aucun intérêt à venir dans cette partie perdue de la ville. Ce n’est rien de plus qu’un pâté de maisons calme à flanc de colline. Pourtant, non loin, alors que je marche tranquillement vers ma prochaine étape, je passe devant une rue et jette un œil, perdu dans mes pensées. Je fais trois pas en arrière parce que, même si mon regard a été furtif, ce que j’ai vu a fait sonner une alarme dans mon cerveau. L’alarme avec l’étiquette « Fonce, ça a l’air bien ». L’entrée d’un temple comme je les aime, avec des marches et pas un chat.
Le temple au sommet n’est pas extra mais il a son charme. Des statues des signes du zodiaque chinois admirent la vue sur la ville. Moi aussi au passage. Je remarque que le cerisier est un arbre très sensible. Dès qu’il est un peu en altitude, il est plus en retard sur la floraison que ses cousins plantés plus bas et donc plus au chaud. Ici, ils ne sont pas du tout en fleur.
Petit à petit, le soleil tamise ses rayons à mesure que son angle décroit et que l’atmosphère s’épaissit. On dirait un été indien, la douce chaleur en moins. Je ressens bien la différence de température qu’il y a entre les différentes régions du japon. C’est un petit pays mais la différence de latitude entre le nord et le sud suffit à avoir des écarts de température notables. Il fait plus frais qu’à Tokyo en tout cas.
La route vagabonde se déroule sous mes pieds et je me laisse guider par mon instinct. Après tout, c’est un coup de poker mesuré. Je sais où je suis, je sais où aller pour voir un autre hanami, la seule variable est le chemin que je prendrai. Je prends le plus improbable comme d’habitude. Celui qui me fait de nouveau grimper dans une colline pour tomber nez à nez avec un temple.
Quand j’ai préparé ce week-end, j’avais d’office mis de coté les temples et les châteaux. Je voulais me concentrer sur les autres visites intéressantes et changer un peu. J’en ai soupé, vous en avez soupé, on a eu notre dose de sanctuaires. Mais que peut-on faire face au destin. J’y crois pas moi, au destin, mais je dois bien avouer que si j’arrive au mausolée Zuihoden, c’est peut-être pas pour rien. Remarque, c’est pas un temple vu que c’est un mausolée : celui du seigneur de l’époque, le taulier de Sendai, le bien nommé Date Masamune. Ouais, si comme moi vous êtes un joueur aguerri, Masamune ça vous parle un peu. C’est juste l’épée de Sephiroth dans Final Fantasy 7. Pour ça, Monsieur Date Masamune a toute mon admiration. L’entrée n’est pas très chère et la visite est intéressante. Un tout petit musée vous éclairera sur l’histoire de Date Masamune, pour peu que vous parliez sa langue. Le cadre est quand même très beau, planté en haut d’une bute, jonché de hauts arbres avec en plus les rayons du soleil qui tentent de se frayer un chemin dans la pénombre grandissante. C’est classe.
On continue avant qu’il fasse nuit ? J’ai l’impression que cette journée retarde sa fin pour me permettre de profiter un maximum des beautés de la ville. C’est vrai, il est presque 18h et pourtant, le jour est toujours là. Encore un signe qu’il n’est pas l’heure d’aller au parc Nishi.
Et si je traversais plutôt ce pont pour voir ce qu’il y a de l’autre côté ? Je n’ai même pas le temps d’arriver au bout de cette pensée que je suis déjà sur l’autre rive. Le destin ? J’y crois toujours pas mais il y met du sien pour me faire changer d’avis. A en croire le panneau que j’ai sous les yeux, je suis proche des ruines du château Aoba. Oui, celui que je ne voulais pas voir. Mais après tout, je suis là donc autant y aller.
Le séisme de 2011 n’a pas été tendre avec ce lieu qui n’est déjà que l’ombre de ce qu’il fût. Du château, il ne reste que les fondations, c’est à dire un socle de pierre immense où reposent aujourd’hui une place, un temple et quelques boutiques/restaurants. La magnifique vue sur la ville est à peine gâchée par ce vent qui me glace le sang. Ici aussi, les cerisiers sont frileux et je ne peux pas leur en vouloir d’attendre des jours meilleurs pour être moins pudiques. Je ne montrerais pas ma fleur s’il faisait 5°c après tout.
Je descends doucement vers le plancher des vaches et le soleil m’accompagne pour de bon, prenant congé de ce coté du globe. Je ne suis pas triste, je le reverrai demain normalement.
Le parc Nishi est pas loin de l’autre côté du pont. Si je m’attendais à un vrai parc, je tombe sur ce qui ressemble plus à un square. La faute aux travaux de création de la 2ème ligne de métro de la ville, prévue pour 2015. Une station est en cours de construction sous une partie du parc, la condamnant invariablement pour une durée encore bien longue. C’est donc sur la partie restante que sont placés les stands de bectance et les lampions festifs. Nous sommes samedi soir mais les bâches sur la pelouse ne sont pas si nombreuses. Les fleurs non plus, remarquez. C’est quoi cette variété de cerisier à la traine ? Si en plus on a de telles disparités entre les espèces de cerisiers, ça va devenir compliqué de prévoir un vrai full blossom hanami les prochaines années.
Par contre, je tombe sur le niveau 2 de l’organisation made in japon. Une grande tente est installée en retrait avec de longues tables basses, prévues pour accueillir qui le souhaite, pour peu qu’il y ait de la place. L’occasion de profiter de l’ambiance sans être dérangé par la fraicheur de ce début de nuit.
Comme pour le parc Tsutsujigaoka, je traverse cette fête comme si je n’en faisais pas partie. Pas dans le sens où je ne me sens pas accepté, comme si les gens me rejetaient. Non c’est plus comme si je n’étais pas physiquement là, que j’étais un observateur passif, comme si ce que je voyais m’étais raconté, telles des images posées sur les phrases d’un récit. C’est assez étrange à décrire, voire même un peu fou à imaginer. Je vous jure que je n’avais pas bu. Mais c’est comme ça que je le ressentais. Ce que je voyais/vivais était la transcription réelle des descriptions d’un auteur de roman imaginaire. Et moi, j’étais un lecteur invisible au cœur de ce monde chimérique.
J’ai profité de l’ambiance, je m’en suis imprégné à tel point que je sentais la bouffe en rentrant à ma guesthouse. J’ai fait une grande boucle tout autour de la gare de Sendai et je ne regrette pas d’avoir laissé mes pieds choisir pour moi.
J’ai découvert la ville de la meilleure façon qui soit, par ses grandes artères et ses petites ruelles, dans ses coins touristiques et ses recoins confidentiels, dans les rires de ses habitants et l’ambiance de ses fêtes.
Cette première journée a déjà comblé toutes mes attentes.
ps : j’ai « perdu » mes photos à partir du château Aoba. Me demandez pas comment, j’en sais rien. :-/
3 Réponses
Anon
Masamune c’est peut être le nom de l’épée de Sephiroth, ok !
Mais Date Masamune plus précisément, c’est le samourai Nike. Et c’est aussi, et surtout, l’un des quatre sacrés du ciel.
Va falloir refaire toute ta culture
albatruc
elle sert trop a rien ta culture !
neonero
Pas mal la photo au bas des deux escaliers divergents.