Sendai no hanami 1/2

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Si le hanami ne vient pas à toi, va au hanami. Si le hanami te fuit, tire-lui dans les jambes pour le ralentir et menace sa famille pour le faire revenir à la réalité. Le hanami de cette année a tenté de la faire à l’envers à tous les tokyoïtes. Comment ? En arrivant une semaine en avance. Personne n’était prêt, ça caillait encore un max et j’étais pas là. Dans mon planning trop bien étudié, en visant un retour à Tokyo le 1er avril, je devais être dans la bonne fourchette pour voir une partie de cette fête symbolique. La floraison des cerisiers dure une dizaine de jours normalement et sur ces 10 dernières années, la première semaine d’avril a toujours été la meilleure.

Raté ! Devant cette implacable improbabilité, je n’avais d’autre choix que de poursuivre la vague de pétales qui remonte le pays en même temps que la chaleur du printemps. Mais pas question pour autant de faire un saut de puce dans un bled paumé pour la beauté du geste et le plaisir du voyage. Non non, je devais bien préparer tout ça et faire au mieux pour voir le maximum de choses en plus du hanami. Autant lier l’utile à l’agréable. J’ai donc cherché une ville assez grande et assez différente de tout ce que j’ai pu voir jusqu’à maintenant. Sendai a été le choix le plus judicieux. Déjà car c’est une des 15 plus grandes villes du pays mais aussi car elle a une histoire récente assez forte. Vous n’êtes pas sans savoir qu’elle a été touchée par le tsunami du 11 mars 2011 et que sa proximité toute relative avec la préfecture de Fukushima en fait une ville peu accueillante pour les touristes.

C’est stupide car on ne craint pas plus les foudres de la radioactivité à Sendai qu’à Tokyo. J’ai réservé mon billet de car et 4 nuits dans une guesthouse histoire de me laisser 4 jours sur place.
Oui, j’ai fait comme les vrais touristes en allant dans une guesthouse, pour dormir dans un dortoir. J’ai joué l’économie au maximum aussi. Elle est idéalement située car proche de la gare, dans le centre ville. C’est une maison avec une pièce principale qui sert de salle commune ainsi que deux chambres de 6 lits. La maison est plus petite que celle que je louais à Himi mais c’est convivial au moins. Il y a plus de japonais que d’occidentaux en plus. Et le propriétaire, même si il est collant, ne parle presque pas anglais mais veut tout savoir, était au moins drôle.

J’ai calculé mon séjour pour tomber un peu avant la pleine floraison des cerisiers, pendant un week-end. Oui, le week-end était obligatoire ! Car c’est pendant ces deux jours que les japonais se réunissent dans les parcs pour manger, boire et s’amuser. C’est précisément à ça que je voulais assister,  autant qu’à la floraison en elle-même. Le hanami, c’est un ensemble de beauté éphémère et de partage communautaire.

Arrivé le vendredi après midi, je repère un peu la ville pour partir en excursion toute la journée du samedi. Comme d’habitude, je pars avec mon appareil photo, mon ipad et de quoi grignoter sur la route. Par contre, mon application GPS est complètement à la rue et par la même occasion, je le suis aussi. Je comptais faire un marathon parcs/jardins en prenant le temps de déambuler à la recherche de spots à cerisiers et dès le début, je me goure de route. Et pas qu’un peu en plus. Je ne me perds pas pour rien car je trouve un petit temple avec quelques arbres bien fleuris. A ce moment là, je crois encore être sur la bonne route.

20 minutes plus tard, ce n’est plus le cas mais la vue que j’ai depuis les collines résidentielles n’est pas mauvaise pour autant. Et puis, c’est l’occasion pour moi de croire que la fin du monde arrive, symbolisée par cette statue géante !

Imaginez la taille qu’elle doit avoir pour dépasser de la sorte.  Je veux voir cette statue de plus près. Mais avant, je dois surtout retrouver mon chemin. Un combini, un réseau wifi gratuit et me voilà sur la bonne route, celle qui mène au parc Tsutsujigaoka. Il n’y a que trois parcs réellement référencés comme étant des lieux privilégiés pour le hanami. Je compte au moins en faire deux et Tsutsujigaoka est le plus proche.

Je ne suis même pas encore arrivé que j’entends le brouhaha significatif d’une foule bien joyeuse. Malgré des cerisiers un peu timides par endroits, les emplacements réservés aux pique-niques sont pleins de familles, de collègues ou d’amis. Certains sont vraiment bien organisés avec des rangées de tables en carton, des coussins pour les fesses, le réchaud, la glacière, etc. Bordel, que j’aimerais être avec les potes pour faire pareil ! Sérieux, c’est le genre d’ambiance qui donne envie de sortir les canettes, les bouteilles, de raconter des anecdotes débiles et d’inviter le premier curieux qui passe à prendre un godet avec nous. J’étais bien un curieux passant mais aucun godet ne m’a été proposé. Pas assez ou trop alcoolisé, le résultat est le même. Et ne comptez pas sur moi pour m’incruster dans des groupes sans y être invité. On est au japon quand même, pas chez les papous.

Je profite quand même de l’ambiance légère, et reste quelque temps à flâner, à lire ou à regarder ce jongleur/clown/comédien. Les stands de bouffe distillent dans l’air leurs fragrances appétissantes et le chaland ne se fait pas prier pour participer au développement de l’économie locale. Saucisses, brochettes, poisson, mais aussi bananes au chocolat, barbe à papa et autres douceurs se disputent les nombreux deniers des hanamistes pas assez prévoyants sur les victuailles.

Bien que le soleil soit au rendez-vous, le fond de l’air est frais, d’autant plus que le parc est sur une petite hauteur. Je me décide à quitter cet endroit, en quête du prochain parc.  Parc que je n’ai jamais trouvé. Mais bien d’autres surprises m’attendaient à la place. A commencer par ce cerisier au bord d’un cour d’eau, propriété de ce qui semble être une maison de thé. Cette découverte, c’est le symbole de ma motivation.

A l’inverse du touriste lambda qui cherche à voir beaucoup de choses en peu de temps, je cherche à prendre mon temps quitte à le perdre. Bon nombre de mes ballades solitaires à la découverte de l’inconnu se sont soldées par des échecs cuisants. Ce que je recherche dans ces moments de totale perte de repères, c’est l’endroit particulier, le paysage insolite, la situation cocasse qui me fera dire plus tard : « ça, je l’aurais jamais vu autrement qu’en me perdant ». Ca a déjà été le cas à plusieurs reprise et c’est encore le cas quand je « découvre » cet arbre. Que dire si ce n’est que c’est simplement beau. « Que c’est indescriptiblement magnifique. Que c’est à couper le souffle. Qu’il est impossible de cligner des yeux devant tant de magnificence. Que même la dame au fond elle s’est évanouie. Que la courbe de ces pétales joliment rosés habille harmonieusement la ligne des branches noueuses et délicates du cerisier ? » (© « la correctrice »).

Le hanami, c’est prendre le temps de regarder la beauté des cerisiers avant que celle-ci ne disparaisse pour une année entière. Prendre le temps de s’arrêter, ne serait-ce que 5 minutes, même si notre vie nous pousse à allez toujours plus vite. Qu’y-a-t-il de plus simple qu’une fleur de cerisier ? Avez-vous déjà  regardé un arbre en fleur, peu importe son espèce d’ailleurs ? C’est inutile, ça n’entre pas dans un processus de création de richesse, ça vous fait perdre vos précieuses minutes mais… qu’est ce que c’est beau. On ne pense pas à ce qu’il se passe autour de nous, on se recentre sur la plus petite preuve de délicatesse que ce monde a à nous offrir. Une fleur qui ne vivra que 10 jours. Et vous êtes là, à la contempler, à lui rendre un hommage bien mérité.

Grâce à cette contemplation toute japonaise, j’ai pu échanger trois mots avec un homme et sa femme, curieux de me voir ainsi photographier les fleurs sous tous les angles. Il était allé à paris une fois et parlait pas mal anglais. A la question, est ce que vous avez aimé la France, un « Of course » habillé d’un sourire jusqu’aux oreilles ne laisse pas de doute quant à la sincérité de la déclaration.

Je suis encore bien long à raconter cette journée qui n’est pas encore finie donc, je continue dans un prochain article si vous le voulez bien. Si vous ne le voulez pas, c’est pareil de toute façon.

3 Réponses

  1. Il était quand même sacrément moche cet arbre…

  2. Tes photos sont superbes et donnent envie d’y aller !

    Je comprends bien ton ressenti au parc, devant le bon moment que tout le monde passe devant toi. Lors de mon séjour l’année dernière, lorsque j’étais à Tokyo et qu’il faisait beau j’allais à Yoyogi. Et l’ambiance était top, entre les familles ou les amis qui étalent leur bache bleue pour manger et s’amuser, les lycéens qui répètent une danse ou un sketch, les bandes d’amis qui s’amusent au frisbee prisonnier… Je me disais que moi aussi j’avais envie de participer à tout ça !

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