Kaze tachinu

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« Le vent se lève, il faut tenter de vivre »

Cette phrase extraire du poème « Le cimetière marin » de Paul Valery servira d’introduction et de fil rouge pour le dernier de film du studio Ghibli, sobrement intitulé « Kaze tachinu » (« Le vent se lève »). Réalisé par Hayao Miyazaki lui-même, réalisateur de renom à qui l’on doit les plus marquants des films du studio Ghibli (« Mon voisin totoro », « Princesse mononoke », « Le voyage de Chihiro » ainsi que « Ponyo sur la falaise », entre autre), cette dernière réalisation était fortement attendue par les fans.

En effet, au sein du Studio Ghibli, on trouve plusieurs réalisateurs au talent inégaux qui font leur film à tour de rôle, selon le bon vouloir des têtes pensantes du studio. Parmi eux, on trouve Isao Takahata, Goro miyazaki et Hiromasa Yonebayashi, du plus ancien aux plus récents. Il arrive parfois que sa chance soit donnée à un animateur ou à un autre membre de l’équipe (comme Hiromasa Yonebayashi pour « Arrietty ») car Miyazaki et Takahata ne sont plus tout jeunes.

Mais Hayao Miyazaki reste le nom emblématique, la figure de proue du studio. Ses films sont marquants par leur sensibilité et leur messages forts voilés par un habillage parfois mignon, parfois enfantin mais souvent incroyablement beau ! L’irréel y prend vie pour apprendre quelque chose aux personnages, que ce soit une leçon sur la vie ou une notion abstraite comme le respect, l’humilité, le courage, l’amour, etc. L’écologie à une place importante dans l’univers de Miyazaki et c’est un thème qui revient souvent en filigrane ou complètement au premier plan comme dans « Princesse mononoke », peut-être l’un de ses films les plus durs et les plus violents. Mais de Miyasaki on retient surtout le personnage de Totoro, esprit de la fôret sur lequel on rêve de s’endormir, Kiki la sorcière débrouillarde et son chat jiji, Porco rosso le pilote d’avion changé en porc, bourru mais avec un grand cœur, Chihiro, petite fille courageuse qui tente de sauver ses parents en travaillant dans le monde des esprits, Sophie et le sorcier Hauru ainsi que leur château ambulant, plein de magie et de mystères, ou encore Ponyo, ce petit poisson curieux qui rêve d’humains et d’aventure. Autant de personnages et d’histoires mignonnes où la réalité se mélange étroitement avec l’imaginaire, les légendes et les créations irréelles en générale.

Alors quand arrive sa nouvelle réalisation, la communauté de fan est en émoi et s’impatiente en attendant de voir où l’on voyagera, quel monde et quelles aventures vivra-t-on ! Le premier trailer diffusé peu de temps avant la sortie du film a du être une douche froide pour certains, une vrai surprise pour les autres. Je vous laisse le voir si ce n’est pas déjà fait :

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Fini l’imaginaire, les personnages mignons et la partie féérique des précédentes réalisations. Ici, nous sommes devant un film emprunt de réalisme, inspiré par la vie de Jiro Horikoshi, ingénieur en aéronautique chez Mitsubishi qui réalisera le fameux chasseur « zéro », célèbre pour son utilisation lors de l’attaque de Pearl Harbour.

Si je parle de Kaze tachinu, c’est parce que je suis allé le voir. Voir un film de Miyazaki au japon, c’est comme voir un film Dragon ball au japon, un passage incontournable si l’on aime ces univers, même si on ne parle pas la langue. Autant j’avais peu de craintes quand à la compréhension du film Dragon ball, autant j’étais pas sûr de moi pour Kaze tachinu. Je fais parti de ceux qui sont convaincus que la compréhension d’un film ne passe pas essentiellement par les paroles mais bien par tout ce qu’il y a autour : la beauté des images, la manière de montrer les évènements, le jeu des personnages (doublage et animations/attitude), les musiques, etc. Les paroles ne servent finalement qu’à donner des précisions et des informations plus claires, plus précises ou juste pas communicables autrement. Mais quand même, le sujet du film est sérieux et je ne savais pas si j’arriverais à apprécier pleinement ses tenants et aboutissants.

Pas de suspense, j’ai hâte de le revoir en français. Parce que le film est bien, qu’il est beau et encore plus contemplatif que d’habitude mais aussi parce que je suis loin d’avoir attrapé au vol tous les détails de l’histoire. L’ensemble est clair mais il me manque des morceaux, des explications sur des rapports entre personnages, tout ce que je ne peux que déduire sans être sûr de toucher juste.

Je ne vais pas raconter l’histoire mais sachez que celle-ci n’a pas de fin. C’est un récit réaliste donc on prend une partie de la vie de Jiro Horikoshi, de ses 10 ans (pour l’introduction) à sa vingtaine et puis c’est tout. On a ni le début, ni la fin de sa vie. L’important est de découvrir et de voir grandir son intérêt pour l’aviation, la manière dont il gère ses rêves, sa vie et ses sentiments. Sur fond d’entre deux guerres et de collaboration allemande (au niveau des connaissances techniques), Kaze tachinu fait le grand écart entre la passion de Miyazaki pour l’aéronautique et son aversion pour la guerre symbolisé par cet homme, Jiro, qui doit faire vivre son rêve tout en sachant que ses créations n’iront pas faire de l’épandage au dessus des champs de maïs. Si l’aviation a une place prépondérante, il ne faut pas oublier les rapports humains (mis un peu trop en avant dans la bande annonce par rapport au film d’ailleurs). La relation qui se crée entre Jiro et Naoko ne m’a pas paru prendre autant d’importance que la relation entre Jiro et l’aviation et si je devais faire un ratio, je dirais que l’aviation prend 60 % du film voir un peu plus car c’est toujours là, en filigrane.

J’ai cru, au début du film, que le traitement réaliste allait tout de même être épaulé par un habillage particulier de l’abstrait. Pas par une personnification des choses comme le feu « calcifère » dans « Le château ambulant » mais avec des moyens plus subtils. On le voit dans la bande annonce qu’un désastre provoque des vagues sur la terre ferme, exagération et déformation de la réalité très apprécié en animation, un détail cassant le réalisme. D’autres détails, sonores cette fois, me laissaient espérer un peu d’imaginaire. Le vent est un élément central de l’histoire et celui-ci semble vivant par moment, comme si il était doublé par plusieurs voix, comme un chant plus qu’un souffle. Et il en est de même pour le feu, la dynamo de démarrage des moteurs d’avion et certains moteurs d’avion humanisés comme des cœurs qui battent… Mais ce ne sont au final que de petites touches (génialement pensées car subtiles et qu’on peut facilement ne pas voir) qui servent habillement le propos. Jiro est un créateur, un penseur à l’esprit prolifique. Miyazaki réussi a nous faire passer de la réalité à l’imaginaire de Jiro avec de superbes transitions ou au contraire en jouant sur l’ambiguité d’un imaginaire réaliste. Est-ce qu’on est dans la tête de jiro ou est-ce la réalité ?

Que dire d’autre sinon que c’est un film très lent voir long. Le traitement et l’aspect sérieux/réaliste en décevront beaucoup, assez peu habitué à ça avec Miyazaki. Il ne faut pas oublié que c’est un film Ghibli avant tout et qu’on a déjà eu « Le tombeau des lucioles », particulièrement dur et triste mais ô combien magnifique. Nous ne sommes pas dans le même registre dans Kaze tachinu même si tout n’est pas rose.

« Le vent se lève, il faut tenter de vivre » n’est pas une phrase choisie au hasard. Elle prend différents sens au fil de l’histoire et se révèle aux moments phares du récit. C’est un début et une fin, à nous de l’interpréter et de la poser sur le calque de nos vies.

Ce n’est clairement pas mon Ghibli favori. Pas parce qu’il ne ressemble pas aux Ghibli récents mais parce que le sujet traité ne m’a pas transporté. Mais je mets ce jugement entre parenthèse car trop de subtilités m’ont échappé, dans le récit et dans la psyché des personnages, point hautement important ici. Ce n’est pas un film pour les enfants. C’est trop sérieux et trop long pour maintenir leur attention donc ne faites pas l’erreur d’en emmener au cinéma quand il sortira en France cet hiver logiquement.

Un mot rapide sur les musiques composées par Joe Hisaishi, toujours magnifiques et donnant une vraie identité non pas au film dans son entièreté mais à des moments du récit, tantôt italienne, tantôt dramatique ou au contraire très envolée. Dire que c’est parfait serait exagéré mais en tout cas, c’est parfaitement juste.

Je finirai cet article comme se finit le film, par la superbe chanson « ひこうき雲 » (hikokigumo) interprêtée par Yumi Matsutoya, également interprète d’une chanson de « Kiki la petite sorcière ». Une chanson composée en 1970 qui a cette rondeur, cette douceur et cette chaleur dans la voix et les instruments que seuls les enregistrements anciens ont.

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